DU TERRAIN ET RIEN QUE DU TERRAIN. Ces dernières semaines, Luc Carvounas n’a raté aucun des marchés d’Alfortville. Le maire PS sortant qui a succédé voilà deux ans à René Rouquet se présente pour la première fois aux municipales.

Alors forcément, le scrutin ressemble fort à un référendum. Alfortville l’a-t-il bien adopté, lui, l’enfant des quartiers Sud ? « Je le connais depuis qu’il est tout petit, se souvient Marie-Georgette, 86 ans. Sa maman était ma voisine. Forcément je vais voter pour lui. » Mais dans les allées du marché de Rome, vendredi dernier, il y a aussi les nostalgiques : « Ce n’est pas René, quand même ». Et les dubitatifs : « De toute façon pour qui d’autre voter ? »

Cinq autres listes se présentent. En 2008, René Rouquet avait autant d’adversaires et était passé au premier tour (52,3 %). Alors forcément à droite — Luc Carvounas étant moins enraciné –, on imagine pour une fois un second tour dans ce fief socialiste. Patrick Bédrossian (SE) surtout. Le conseiller municipal — UMP en 2008 — mise sur son ancrage, élu depuis 2001, pour faire la différence par rapport à l’UMP Cédric Tartaud-Gineste, venu du Cantal. Sauf que Patrick Bédrossian a perdu de la crédibilité et son investiture UDI, à la suite de sa garde à vue en février pour des faits de violence sur sa femme. Il est ressorti libre, sans poursuite pour l’heure. « Les gens ne m’en parlent pas. Au contraire, ils ont compris qu’on avait essayé de me décrédibiliser », affirme-t-il. Pour autant, sur le terrain, certaines électrices avouent « ne pas avoir confiance ». François Tanguy (MoDem) a essayé de reprendre le flambeau des centristes. En vain. Avec ses colistiers, il ne soutiendra personne.

Ses adversaires raillent ses ambitions nationales
Dans ce contexte, Luc Carvounas confirmera-t-il sa place dès le premier tour ? Il a réussi à rallier Catherine de Rasilly (qui avait mené une liste SE et avait recueilli 9,5 % en 2008), qui vante son « dynamisme » et son « efficacité ». Mais deux autres listes à gauche sont sur le départ, alors même que le PS n’a pas le vent en poupe. Guy Mouney, élu sortant (LO) repart. Nathalie Levallois (PG) porte les couleurs du Front de gauche et attaque « la politique d’austérité du gouvernement appliquée à Alfortville par un proche de Valls ». Cette proximité avec le ministre de l’Intérieur à l’image droitière déplaît à certains électeurs socialistes ou communistes de la ville. Ou encore aux jeunes qui pourraient se tourner largement vers Abdoulaye Diakite. L’animateur de 28 ans des Alouettes, surnommé « l’Obama d’Alfortville » veut « tirer la sonnette d’alarme sur le ras-le-bol de la jeunesse ».

Ses adversaires raillent aussi les ambitions nationales du sénateur-maire. Un remaniement ministériel pourrait lui être favorable. « Depuis 50 ans, les différents maires d’Alfortville sont parlementaires. Cela a permis de gagner un commissariat, d’empêcher l’installation d’une usine d’incinération ou de conserver la sécurité sociale, mon combat dès que j’ai été élu au Sénat, rappelle Luc Carvounas. La majorité des électeurs en ont conscience. Qu’ils prennent le temps d’être à mes côtés. »

Repères
Maire sortant : Luc Carvounas (PS)
Nombre d’habitants : 44 793.
Résultats de 2008 : Liste Rouquet (PS) : 52,3% (élu au 1 er tour) ; liste Vitse (MoDem) : 8,1% ; liste Mikognatis (CPO) : 2,2% ; liste Bédrossian (UMP) : 19% ; liste Mouney (LO) : 5,3% ; liste de Rasilly (SE) : 9,5% ; liste Petri (EXG) : 3,6%.
Candidats déclarés : Patrick Bédrossian (SE), Luc Carvounas (PS), Abdoulaye Diakite (SE), Nathalie Levallois (PG), Guy Mouney (LO), Cédric Tartaud-Gineste (UMP).

Les rythmes scolaires animent la campagne
A Alfortville, la précampagne avait été largement occupée par le débat sur la réforme des rythmes scolaires. Une application qui inquiète, comme ailleurs, parents et enseignants. A tel point qu'ils avaient écrit, pétitionné et manifesté. Alors forcément, une fois que les candidats sont vraiment entrés en campagne, les Alfortvillais ne pouvaient plus échapper aux tracts sur le sujet. Les adversaires du maire PS sortant, Luc Carvounas, ont dénoncé, de l'extrême gauche à la droite, la « privatisation » de l'école publique. Le socialiste a choisi de déléguer l'accompagnement des enfants durant les activités périscolaires à un organisme type la Ligue de l'enseignement, comme c'est le cas pour la pause méridienne depuis des décennies. « On me fait un faux procès pour faire peur aux gens, réplique Luc Carvounas, qui rappelle que cette réforme n'est pas « son projet » mais « un sujet demandé à tous les maires ». La sécurité des enfants sera assurée avec un des plus forts taux d'encadrement. Les activités se feront avec les associations de la ville. »
Pour autant, certains parents n'en démordent pas. « Déjà qu'il y a des problèmes d'encadrement. Qu'est-ce que ça va être ?, se demande cette maman. Mon fils s'est cassé le bras à midi. On ne m'a prévenue qu'à la sortie des classes ! Je veux partir d'ici. » « On ne sait pas bien qui va s'occuper de nos enfants, ajoute une autre. Mais j'ai confiance. » Sans pour autant savoir encore à qui ira sa voix.

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