Cher Jean-Luc,

Dans un ancien billet de blog intitulé ”À bientôt, Camarades!”, tu t’interrogeais sur la sincérité des appels –et notamment le mien– à retrouver le chemin de l’union de la Gauche.

Pour ma part, je n’ai jamais cru aux “Gauches irréconciliables”; j’ai même défendu lors du dernier Congrès du Parti Socialiste le totem de l’union de la Gauche, que j’ai dénommé Gauche Arc-en-Ciel, et qui n’était pas la réunion de partis mais bel et bien la nécessité de s’ouvrir aux ONG, syndicats, aux associations et aux citoyens.

À présent, l’heure n’est plus aux grands discours, mais aux actions concrètes. Il est temps de nous retrousser les manches tous ensemble.

Dans une interview accordée à Libération le 24 avril dernier, tu proposes à la Gauche de se retrouver dans une “Fédération populaire″. L’allusion à l’héritage du Front populaire me convient, mais plus que le nom, il nous faut parler du contenu.

Tu affirmes que celle-ci pourrait se faire “avec un programme concret de partage et de planification écologique”.

Lorsque je défends le Progrès partagé, je n’y vois pas autre chose en terme d’objectif global.

Parlons donc de méthode.

Lors de la dernière élection présidentielle, deux candidats représentaient la Gauche: toi-même pour La France Insoumise, et Benoît Hamon pour le Parti Socialiste et Europe-Écologie-Les Verts.

Vous disposiez tous les deux de programmes politiques novateurs et disruptifs à des degrés divers, même si d’importants désaccords politiques demeuraient entre vous, notamment sur les questions européennes.

Ce désaccord peut subsister entre nous. Il s’agit d’une question d’échelle -l’Europe ou la France– et de méthode –conflictualité plus ou moins fortes vis-à-vis de certains pays de l’Union. Mais face aux grandes puissances qui veulent nous affaiblir -Chine, Russie mais aussi Etats-Unis- et pour mener à bien la transition écologique, lutter contre la colonisation numérique ou développer notre propre intelligence artificielle, je considère que l’Europe est le meilleur échelon d’action.

J’assume d’être un pro-européen par volonté d’agir à la bonne échelle et parce que je sais que l’Histoire est à la fois tragique et cyclique. Et si je n’ai pas de fétichisme particulier pour ce qu’est devenue la “Gauche européenne”, j’ai un attachement profond à porter le projet d’une Europe de Gauche.

Au-delà de ces désaccords, j’affirme qu’avec une volonté sans faille et une détermination sincère, une convergence est possible. Du moins, il serait irresponsable de ne pas s’y essayer.
Alors avançons! Avec vos deux programmes présidentiels, et les cahiers de la présidentielle des Socialistes, nous disposons d’ores et déjà d’une bonne base de travail en commun. Ils ne sont d’ailleurs pas opposés sur tout, et peuvent même se compléter et s’enrichir mutuellement. Il faut pouvoir dégager des lignes de forces communes, et pour cela, il faut accepter l’idée de travailler tous ensemble sur le fond.

Ta responsabilité est désormais immense: rester à jamais et seulement un grand théoricien du peuple et de la Gauche, ou bien devenir -avec d’autres- l’un des artisans principaux de la prise de pouvoir du progrès social partagé et de la planification écologique dans notre pays.

Le populisme de Gauche, c’est choisir entre une impasse politique qui bloque l’accès au pouvoir, ou bien y arriver au prix d’une faute morale indélébile.

Ta sensibilité politique est celle d’une Gauche souverainiste et populaire, ce n’est pas une critique, c’est un constat. Ses aspects populaires -et non pas populistes– peuvent convaincre de très nombreuses personnes de Gauche, même si nous ne nous rejoindrons pas sur ses aspects souverainistes.

D’ailleurs, ne feignons pas de croire ces débats nouveaux à Gauche, alors que se rejoue la partition de l’époque entre François Mitterrand et Jean-Pierre Chevènement.

Sauf qu’en ce temps, ils savaient travailler ensemble.

De plus, un populisme de Gauche ne gouvernera pas en France sauf à réaliser la jonction des “fâchés” des deux bords -donc aussi des “fachos”- ce que tu ne souhaites pas j’en suis sûr.

Le populisme de Gauche, c’est choisir entre une impasse politique qui bloque l’accès au pouvoir, ou bien y arriver au prix d’une faute morale indélébile.

Avec la Gauche Arc-en-ciel, nous proposons la seule méthode possible pour réaliser la planification écologique, répondre immédiatement à l’urgence sociale -protéger et partager– et adopter un véritable changement institutionnel de grande ampleur.
Nous lançons donc un pavé dans la marre du peuple de Gauche: donnons-nous rendez-vous dans les prochaines semaines, feuilles et stylos en mains, pour travailler à ce que nous pouvons tous partager.

Croix, bâtons, numéros, précisons dans le détail nos accords et nos désaccords; et commençons à construire un espoir collectif et populaire.

“Fédération populaire”, “Gauche Arc-en-Ciel” ou “Convention des Institutions républicaines”, peu importe le nom s’il dit la même chose.

Je remarque d’ailleurs que tu as répondu “Chiche!” à Laurent Joffrin lorsqu’il évoque une possible réunion à venir de toutes les sensibilités de Gauche pour effectuer ce travail programmatique. Benoît Hamon et Ian Brossat semblent d’ailleurs y consentir. Moi aussi.
Gage de bonne volonté, j’ai personnellement effectué ce travail que je voudrais voir toute la Gauche réaliser ensemble. Pour preuve, laisse-moi déjà te donner quelques éléments du programme –“L’Avenir en commun”- qui peuvent largement nous rassembler: modulation des droits de vote des actionnaires en entreprise selon la durée de leur engagement, tarification progressive de l’eau et de l’énergie, lutte contre le non-recours aux droits sociaux, mise en place d’un Service public de la petite enfance, éradication de l’illettrisme en cinq ans, Union de la Méditerranée, plan pour renforcer l’Économie de la Mer, programme ambitieux de développement pour l’Outremer, réforme fondamentale de la BCE…

Et nous portons d’ailleurs d’ores et déjà des causes et combats communs à l’Assemblée nationale: recours au Conseil constitutionnel contre les ordonnances de casse du droit du travail ou encore contre la Loi “anticasseurs”; vote commun pour l’interdiction du glyphosate; ou contre le projet de loi Asile et Immigration du Gouvernement; sans oublier bien sur notre Référendum d’Initiative Partagé contre la privatisation d’ADP.

Si nous souhaitons sincèrement que l’alternative du Progrès partagé et de la transition écologique de notre société gouverne un jour ce pays, nous devons tous être collectivement responsables dans la gravité de l’instant que nous vivons.

Demain, ce sera “nous” unis, ou l’autoritarisme des libéraux-réactionnaires. Nous aurons un premier galop d’essai aux prochaines élections municipales pour porter des convergences locales et trouver ainsi le début du chemin de l’espoir.
Alors, à demain Camarades ?

 

Source : HuffigtonPost