Le tourisme est considéré comme un secteur stratégique de l’économie française (7 % du PIB, 2 millions d’emplois, une balance commerciale excédentaire, etc.). Rien d’étonnant donc au fait que l’on mise sur lui pour contribuer encore un peu plus à la croissance du pays et à la création d’emplois. Cependant, pour relever le défi quels sont les outils et/ou moyens mis en place pour y parvenir ? Ou à mettre en place ?

 

Luc Carvounas : Nous avons deux leviers essentiels en matière d’intervention publique : la promotion internationale du tourisme, qui est assurée avec volontarisme et détermination par Laurent Fabius, et une capacité des destinations à former de véritables projets touristiques de qualité capables d’attirer le plus grand nombre. Sur ce dernier point nous avons encore du travail à faire.

 

Il y a trois éléments qui nous permettront aussi d’améliorer notre offre : le développement du numérique (notamment via le m-tourisme où la France est très dynamique), une culture de l’accueil et du service révolutionnée, et enfin des formations adaptées à notre temps (en matière de langues étrangères ou de numérique par exemple).

 

Les Assises du tourisme ont eu lieu en juin 2014. Un an plus tard, où en sommes-nous ?

 

L. C. : De nombreuses mesures proposées il y a un an ont d’ores et déjà été réalisées ou sont en cours de réalisation. Je pense à la création des pôles d’excellence touristique dont fait partie l’oenotourisme par exemple, mais aussi à la mise en place des contrats de destination pour fédérer les premiers projets.

 

Il y a aussi les facilités de délivrance des visas qui ont considérablement amélioré la venue de touristes étrangers : on constate à cet effet un boom des arrivées des touristes chinois, formidable chance pour notre industrie du tourisme. Enfin, on peut penser aux mesures d’amélioration de l’accueil dans nos aéroports, dans nos gares ou encore dans les transports en commun franciliens.  Nous devons donc continuer dans cette direction, et même aller encore plus loin.

 

Parmi les objectifs fixés lors des Assises du tourisme, on note la volonté d’atteindre le cap des 100 millions de touristes en France, soit une croissance de 20 %. Qu’en est-il de l’emploi ? Quelles sont les attentes/les objectifs en termes de créations de postes (directs ou indirects, équivalent temps plein) ?

 

 L. C. : Soyons prudent et ne sortons pas un chiffre de notre chapeau qui n’aurait pas réellement de sens ; en revanche, la croissance du tourisme dans le monde ne va pas s’arrêter et c’est un secteur économique qui, au niveau mondial, ne connaît pas la crise. À nous de saisir pleinement les opportunités qui nous permettront d’en profiter au maximum.

 

Mais je vais quand même vous donner deux chiffres pour bien comprendre de quoi nous parlons : entre 2000 et 2010, l’emploi salarié s’y est accru de 15%, même en temps de crise ; en 2012, le monde accueillait 1.035 millions de touristes quand en 2030, les projections nous en promettent 1.800 millions. Ces deux chiffres mis en parallèle parlent d’eux-mêmes en matière de potentiel de développement de l’emploi. Et vous savez, il y a une phrase que je martèle souvent : contre le chômage nous n’avons pas tout essayé, mettons le paquet sur le tourisme.

 

Quelles pourraient être les nouvelles missions du tourisme dans les années à venir ? Nouvelles missions, nouveaux métiers ? Quel est le visage du tourisme de demain ?

 

L. C. : Si je fais un rêve pour le tourisme de demain, ce serait un tourisme qui tirerait pleinement sa force de la diversité des territoires français ; un tourisme connecté, comme je l’appelle, qui serait une vitrine de l’innovation française en matière de numérique ; un tourisme authentique et chaleureux, où la France retrouverait l’envie d’accueillir car elle a confiance en elle (je pense par exemple à l’accueil de l’exposition universelle de 2025 dont je suis l’un des initiateurs) ; une industrie qui saurait valoriser l’ensemble des parcours professionnels de sa filière et reconnaîtrait leur importance pour notre économie ; un tourisme qui voudrait à la fois convaincre les Français de redécouvrir chaque année leur pays, tout en attirant toujours plus de visiteurs étrangers.

 

On parle souvent du fait que le numérique n’est pas suffisamment exploité dans le secteur. Quelles passerelles, quels partenariats sont envisagés/envisageables avec la French Tech ?

 

L. C. : Nous devons permettre l’émergence de projets solides et leaders en ce qui concerne letourisme connecté. Il nous faudrait dix, vingt, trente LaFourchette par exemple.

 

L’État doit être un partenaire. Il doit accompagner les entreprises à accéder facilement aux financements publics (BPI, CDC…) mais aussi en développant davantage les incubateurs ou les clusters tourisme. À cet effet, Welcome City Lab à Paris est un modèle intéressant à suivre. Enfin, je me réjouis que des Investissements d’Avenir spécifique au tourisme (« PIA 3 »), comme je l’avais proposé, soient mis en place prochainement.

 

Mais je le redis à nouveau, libérer des financements publics est une chose, mais avoir des projets de qualité à financer en est une autre ; c’est sur ce dernier levier que nous devons mobiliser toutes les énergies, notamment celles du secteur privé.

 

On ne peut pas parler de croissance et de création d’emplois sans aborder la question de la formation. La France a-t-elle suffisamment préparé les futurs acteurs du tourisme aux mutations du secteur ?

 

L. C. : Visiblement non. Quelques exemples : nous avons du retard en ce qui concerne le numérique et la gestion de données des clients ; avec l’accueil et notamment l’apprentissage des langues étrangères ; nous manquons aussi de recherche appliquée (comparé au Canada par exemple). Ces exemples sont évidemment non exhaustifs mais je vous renvoie sur ce sujet pour plus de détails aux propositions formulées le 9 juin 2015 par le Conseil de Promotion du Tourisme, dont je suis membre, et qui visent à doter la France d’une réelle formation d’excellence.