Née pour en finir avec l’instabilité gouvernementale de la précédente, la Ve République a prouvé sa capacité à surmonter les aléas de la vie démocratique. Mais cette longévité, n’a cessé d’être accompagnée de critiques. Autour de la place dévolue au Parlement.

Les socialistes ont toujours placé cette question du rôle du Parlement au centre de leurs réflexions, parfois en contradiction avec les pratiques du pouvoir. De manière ramassée, deux positions coexistent.

  • La première, la promotion d’une nouvelle République parlementaire stricto sensu, souvent primo ministérielle, semble revenir à la vision identitaire socialiste et est présentée comme le moyen permettant de rapprocher la population et ses représentants : en finir avec “l’héliocentrisme” présidentiel ; rendre au Gouvernement et au Premier Ministre tout son pouvoir exécutif ; redonner le pouvoir sur l’exécutif au Parlement ; inciter à une plus forte participation citoyenne ; instaurer plus de transparence. Cette vision souffre malgré tout d’inconvénients majeurs : elle nie la souplesse institutionnelle de la Ve et l’attachement réel des français à l’élection du président de la République au suffrage universel direct ; elle repose la question de la fragilité du Gouvernement responsable devant le seul Parlement ; elle oublie la question de la représentativité des partis au sein du Parlement ; elle simplifie la question de l’engagement citoyen et de la transparence à la seule réponse institutionnelle ; elle laisse de côté la place de l’opposition….
  • La seconde, moins revendiquée tout en étant réellement présente est celle d’un régime pleinement présidentiel. Partant du constat que l’élection au suffrage universel direct du président de la République, que le rétablissement ou l’inversion du calendrier et le quinquennat ne peuvent que conduire à recalibrer le rôle du Premier ministre tout en empêchant le Parlement de prendre pleinement sa place au sein du régime, certains camarades prônent une confrontation directe entre la présidence de la République et le Parlement. Ce point de vue crée de fait une opposition systémique entre exécutif et législatif. Le Parlement pourrait – avec ce régime – trouver une place bien plus prépondérante mais celle-ci se ferait au détriment de l’équilibre trouvé aujourd’hui entre dissensus politique et représentation de la Nation.
  • A ces deux positions vient s’ajouter une troisième, moins lourde à mettre en oeuvre juridiquement mais au moins aussi exigeante intellectuellement et politiquement : s’appuyer sur les possibilités offertes par la Ve République pour donner au Parlement la place qu’il devrait naturellement occuper et que, par habitude ou duels perdus avec l’exécutif, il a négligé jusqu’à ce jour. C’est François Hollande qui, devenu président après avoir été un parlementaire aguerri, a ouvert la voie. Refusant de poursuivre sur le chemin sans issue de “l’omniprésidence”, il a redonné une vraie place au Premier Ministre même si la majorité parlementaire du 17 juin est inscrite dans la logique de la victoire du 6 mai. L’examen du texte relatif au non-cumul des mandats – même si des débats légitimes peuvent encore exister – permet d’engager plus loin la réflexion. Pourquoi ne pas imaginer demain des parlementaires prenant plus encore qu’aujourd’hui le temps de contrôler effectivement l’action du Gouvernement (les textes le permettent), d’engager des missions d’analyses et de réflexion sur des sujets leur semblant d’importance (là encore, les textes le permettent), de participer plus activement aux travaux de groupes de travail, de commissions, bref en prenant le rôle, tout le rôle, que les institutions de la Ve République leur confère. Beaucoup dépend de la capacité des Assemblées elles-mêmes à faire évoluer leurs pratiques, leurs règlements intérieurs, et les moyens conférés aux parlementaires eux-mêmes, plus que de réformes constitutionnelles.

Comment ne pas évoquer également la place que pourrait prendre plus encore l’opposition en utilisant toutes les prérogatives à sa disposition : passer de l’opposition de principe à une opposition plus constructive donc plus crédible et plus efficace ne serait plus utopique. A cet égard, des progrès ont été réalisés ces dernières années : présidence de la commission des finances, majorité des 3/5e pour certaines nominations, réforme de la réserve parlementaire, etc. Mais beaucoup demeure à entreprendre.

L’opposition entre deux visions de la place du Parlement au sein des institutions de la Ve République a pu occulter un élément pourtant simple : il suffit parfois d’utiliser ce qui existe pour régler un problème plutôt que d’imaginer de beaux schémas qui ont pour eux l’avantage de ne jamais pouvoir être mis en œuvre.

Utiliser la promotion d’une nouvelle République parlementaire pour régler l’ensemble des problèmes auxquels notre Démocratie doit faire face ou d’un régime présidentiel pour acter le pseudo-échec de la Ve République nous semble par trop réducteur. On ne naît pas parlementaire godillot, on le devient. Fidèles à nos convictions, nous pensons que l’exigence intellectuelle, la fidélité à nos valeurs, couplées à ce qu’offre la Ve République, permettra d’ouvrir une nouvelle ère pour notre Parlement. Au bénéfice de nos concitoyens.

 

Tribune signée par Émeric BREHIER – Député de Seine-et-Marne, Luc CARVOUNAS – Sénateur-Maire d’Alfortville, Carlos DA SILVA – Député de l’Essonne, Frédérique ESPAGNAC – Sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Marc MANCEL – Conseiller Régional d’Ile-de-France, publiée sur le Huffington Post