Après l’élection d’Emmanuel MACRON en France en mai 2017, deux événements politiques d’une très grande importance sont survenus ce weekend. Ils vont durablement bouleverser la Gauche en Europe.

En votant à plus de 66% l’accord de coalition avec la CDU, le SPD renouvelle son partenariat avec la Droite allemande pour gouverner ; en Italie, le Parti Démocrate de Matteo Renzi s’est vu infliger une sévère défaite, recueillant 18% des voix (quasiment le même score que l’extrême-droite), au profit des populistes de tout ordre. Notons d’ailleurs que la Droite et la Gauche « de gouvernement » italiennes rassemblent à eux deux moins de suffrages que le seul mouvement populiste «5 étoiles».

Que dire de ces événements majeurs pour la politique européenne et pour l’avenir de la Gauche en Europe ?

Le constat est simple, lorsque la Gauche se dilue au pouvoir avec la Droite, sur un présupposé principe de responsabilité politique, nos électeurs n’y voient pour leur part qu’une perte d’identité et ne nous font plus confiance. Elle ouvre alors un boulevard à l’extrême-droite.

On l’a vu en France avec la déchéance de nationalité, où cette mesure devant rassembler la Nation a surtout divisé la Gauche et renforcé les positions idéologiques de la droite dure et de l’extrême-droite.

On l’a vu en Italie, avec la réforme libérale du « Jobs Act » de Matteo RENZI où les créations d’emplois n’ont pas suffi à enrayer le précariat des salariés et leur rancœur légitime.

On l’a vu en Allemagne, où les avancées sociales significatives obtenues par le SPD dans la précédente coalition – instauration d’un salaire minimum par exemple – n’ont pas permis à la Gauche de s’en voir créditée par le peuple allemand, et où l’extrême-droite joue électoralement aujourd’hui à « touche-touche » avec le SPD.

Quelles leçons pouvons-nous, devons-nous même, tirer de ces constats ?

Comme le rappelait à juste titre des militant.e.s Socialistes dans une récente tribune publiée dans Libération, nous avons plus que jamais besoin d’effectuer un « travail doctrinal paneuropéen » et d’établir un « projet politique d’alternance partagé entre les différents partis frères ».

En accord avec cette position, il nous semble primordial d’éviter deux écueils mortifères pour les élections européennes 2019, rendez-vous politique majeur pour la Gauche. Le premier serait de penser que partir seul, nous Socialistes, à ces élections nous permettraient de nous relever : non, seuls, nous sommes sûrs d’arriver à une chose, c’est de perdre. Le deuxième écueil, serait d’envisager une alliance de toute la Gauche, alors que certaines forces sont eurosceptiques : nous avons besoin de clarté donc d’affirmer notre européanisme convaincu.

Pour y arriver, nous prônons au niveau européen comme au niveau national la constitution d’une Gauche Arc-en-Ciel réunissant les partis politiques, les syndicats, les associations et tous les citoyens qui veulent construire un projet résolument de Gauche et pro-européen. Nous proposons donc de mettre en place un « forum européen du programme commun de la Gauche Arc-en-Ciel », qui pourrait se tenir sur une semaine à Athènes à la rentrée 2018.

Alors que les social-démocraties sont mortes aux niveaux nationaux, il est temps de construire une social-démocratie européenne portée par un mouvement puissant et portant un projet ambitieux, politique et social, pour l’avenir de l’Europe. Nous ne pouvons que saluer à cet effet le mouvement qui s’impulse au Parlement européen – à l’initiative des groupes de Gauche – pour refuser plus avant les compromis Gauche/Droite que les peuples ne comprennent pas et qui s’apparentent bien souvent à une distribution des places plus qu’à des avancées politiques.

Pour donner des exemples de ce que pourrait être un programme commun de la Gauche européenne Arc-en-Ciel, nous voulons poser la question des excédents commerciaux et de la solidarité budgétaire ; nous voulons envisager une réforme de la BCE pour financer la transition écologique et lutter contre le chômage ; nous voulons l’établissement de vrais droits sociaux effectifs qui ne se résument pas à une charte de bonnes intentions, alors qu’à titre d’exemple la France comptait 516.000 travailleurs détachés soit 46% de plus que l’année précédente ; nous voulons une Europe de l’investissement et des grands projets sur le numérique et l’intelligence artificielle, les transports ou la santé ; nous voulons une Europe politique où les citoyens éliront leur Président de l’UE et où les Députés pourront enfin proposer des lois.

Pour éviter une « marche de Rome » des extrêmes-droites sur l’Europe, engageons sans plus tarder le « programme commun d’Athènes » qui redonnera l’espoir et une alternative humaniste et solidaire à l’Europe.

Par Luc CARVOUNAS et les signataires du Texte d’Orientation 1 « Un Progrès partagé pour faire gagner la Gauche »