La condition animale doit être politisée, estiment 85 députés issus de tous bords politiques. Quelle que soit l’émotion qu’elle suscite, elle n’avancera que par la raison et une approche interministérielle, estiment-ils. A paraître dimanche dans le JDD.

“Selon un sondage Ifop de 2018, 7 Français sur 10 considèrent que les animaux sont mal défendus par les politiques. L’Assemblée nationale a adopté récemment le projet de loi dit “EGalim” qui comportait un article consacré à la question de leur bien-être. Parce que les Français réclament aujourd’hui des mesures fortes en la matière, cet article 13 a suscité d’immenses attentes… et autant de déceptions de la part des citoyens et des associations de protection animale.

Pourtant, des avancées ont été votées dans cette loi. Quelques exemples : l’extension du délit de maltraitance et le doublement des peines (qui passeront de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende à un an et 15.000 euros d’amende), la possibilité offerte aux associations de se porter partie civile en cas de mauvais traitements sur les animaux, la nomination d’un responsable de leur protection disposant du statut de lanceur d’alerte dans chaque abattoir, ou encore la sensibilisation au bien-être animal dans les programmes d’enseignement et les formations agricoles.

Il est nécessaire d’associer des considérations éthiques, morales, philosophiques à des données scientifiques, objectives et chiffrées

Ces premiers pas sont-ils suffisants? Non. Mais nous saluons ces avancées qui ont, en outre, permis que la condition animale soit longuement débattue dans l’hémicycle, lui donnant ainsi l’importante visibilité qu’elle mérite. D’autres amendements à cet article 13 ont été rejetés, déclenchant la colère des associations et des citoyens défenseurs des animaux, colère relayée par les médias et les réseaux sociaux. Disons-le clairement : des pratiques de maltraitance vont persister dans notre pays, telles que le broyage vivant des poussins mâles ou la castration des porcelets sans anesthésie…

Il nous reste donc beaucoup de travail et d’énergie à déployer pour continuer à porter ce combat, partagé par de très nombreux Français. Mais ces derniers doivent se souvenir qu’il faut des majorités au Parlement pour faire ou modifier la loi. Pour les obtenir, il est nécessaire de prendre préalablement le temps d’argumenter et de convaincre afin de sortir de la seule émotion, en associant considérations éthiques, morales, philosophiques à des données scientifiques, objectives et chiffrées.

Toute avancée de la condition animale devra également tenir compte de la complexité du sujet : dans un contexte de crise économique frappant tout particulièrement le monde paysan, rien n’avancera sans considérer les intérêts et les enjeux économiques des filières agricoles.

Ce qui est en jeu est la défense non pas du seul bien-être animal, mais d’un bien-être liant condition animale, condition humaine et protection de l’environnement

La politique est l’art de rassembler. C’est aussi savoir renoncer à certains combats – parfois la mort dans l’âme – pour obtenir des accords, créer des majorités, et en gagner d’autres.

La condition animale n’échappera pas à cette méthode : il est impératif que les associations de protection, les citoyens et les députés sensibles à cette cause travaillent ensemble dans le même sens. Et, si l’on veut aller au-delà de réformes limitées ou anecdotiques, le traitement de cette étude requiert une approche interministérielle impliquant donc l’ensemble du gouvernement.

Notre pays serait fidèle à sa réputation de pays des Lumières, fidèle à Lamartine, Hugo, Schœlcher, Zola ou Yourcenar, qui tous liaient le progrès humain à la considération pour les animaux, s’il donnait en Europe une véritable impulsion à cette cause. En n’oubliant jamais que ce qui est en jeu est la défense non pas du seul bien-être animal, mais d’un bien-être liant condition animale, condition humaine et protection de l’environnement.”

Les signataires :

Loïc Dombreval, président du groupe d’étude “condition animale” de l’Assemblée Nationale
Samantha Cazebonne et Claire O’Petit, vice-présidentes du groupe d’étude ” condition animale”
Yannick Kerlogot, député des Côtes d’Armor
Michel Lauzzana, député du Lot-et-Garonne
Alice Thourot, députée de la Drôme
Anne-Laurence Petel, députée des Bouches-du-Rhône
Carole Bureau-Bonnard, députée de l’Oise, Vice-Présidente de l’Assemblée nationale
Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes
Pierre Cabaré, député de Haute-Garonne
Luc Carvounas, député du Val-de-Marne
Annie Chapelier, députée du Gard
Dominique Da Silva, député du Val-d’Oise
Eric Diard, député des Bouches-du-Rhône
Fabien Gouttefarde, député de l’Eure
Emilie Guerel, députée du Var
Meyer Habib, député des Français établis hors de France
Yannick Haury, député de Loire-Atlantique
Philippe Michel-Kleisbauer, député du Var
Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire
Barbara Pompili, députée de la Somme, Présidente de la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire
Laëtitia Romeiro Dias, députée de l’Essonne
Lauriane Rossi, députée des Hauts-de-Seine, Questeure de l’Assemblée nationale
Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime
Eric Straumann, député du Haut-Rhin
Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée de l’Allier
Corinne Vignon, députée de Haute-Garonne
Cédric Villani, député de l’Essonne
Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône
Fabien Matras, député du Var
Philippe Chalumeau, député d’Indre-et-Loire
Cécile Rilhac, députée du Val d’Oise
Bruno Bilde, député du Pas-de-Calais
Michèle Peyron, députée de Seine et Marne
Marine Brenier, députée des Alpes-Maritimes
Bertrand Sorre, député de la Manche
M’jid El Guerrab, député des Français établis hors de France
Erwan Balanant, député du Finistère
Dimitri Houbron, député du Nord
Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne
Catherine Osson, députée du Nord
Bruno Questel, député de l’Eure
Olivier Becht, député du Haut-Rhin
Fabienne Colboc, députée d’Indre-et-Loire
Alexandra Valetta Ardisson, députée des Alpes-Maritimes
Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne
Laurent Furst, député du Bas-Rhin
François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône
Stéphane Testé, député de la Seine-Saint-Denis
Jean-François Cesarini, député du Vaucluse
Stéphanie Kerbarh, députée de la Seine-Maritime
Jacques Marilossian, député des Hauts-de-Seine
Laurent Garcia, député de Meurthe-et-Moselle
Josy Poueyto, députée des Pyrénées-Atlantiques
Vincent Ledoux, député du Nord
Sarah El Haïry, députée de Loire-Atlantique
Bérangère Abba, députée de la Haute-Marne
Jean-Michel Mis, député de la Loire
Jean-Pierre Cubertafon, député de la Dordogne
Xavier Paluszkiewicz, député de Meurthe-et-Moselle
Nicole Trisse, députée de Moselle
Sébastien Leclerc, député du Calvados
Eric Alauzet, député du Doubs
Jean-Pierre Pont, député du Pas-de-Calais
Nadia Ramassamy, députée de la Réunion
Didier Martin, député de la Côte-d’Or
Sandra Marsaud, députée de la Charente
Anissa Khedher, députée du Rhône
Michel Castellani, député de Corse
Jean-Philippe Ardouin, député de la Charente Maritime
Paul-André Colombani, député de Corse du Sud
Jean-Louis Masson, député de Moselle
Michel Herbillon, député du Val-de-Marne
Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne
Yolaine de Courson, députée de la Côte-d’Or
Christophe Arend, député de la Moselle
Béatrice Piron, députée des Yvelines
Béatrice Descamps, députée du Nord
Aude Luquet, députée de Seine-et-Marne
Patricia Gallerneau, députée de la Vendée
Bertrand Bouyx, député du Calvados
Pierre-Yves Bournazel, député de Paris
Hugues Renson, député de Paris, Vice-Président de l’Assemblée nationale
Laurence Vichnievsky, députée du Puy-de-Dôme
Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône
Christophe Naegelen, député des Vosges
Elisabeth Toutut-Picard, députée de la Haute-Garonne