La France et le Japon sont prêts à se battre pour l’Exposition universelle. A un mois de la fin des dépôts de candidature, Osaka a officiellement déposé la sienne lundi auprès du Bureau international des expositions (BIE). Elle se déroulerait sur l’île artificielle de Yumeshima, dans la préfecture d’Osaka, du 3 mai au 3 novembre 2025. Une zone de 100 hectares est déjà prévue pour accueillir le futur site.

«Nos vies sont sans cesse remises en question par l’intelligence artificielle et les biotechnologies. C’est pour cela que le Japon veut concevoir la cité du futur, imaginer la vie de demain», a détaillé Masato Kitera, ambassadeur du Japon en France, défendant le projet japonais lors d’une conférence de presse. «Nous vivons dans une société ultra-intelligente», a poursuivi Sadayuki Sakakibara, président du Keidanren, la fédération des organisations économiques japonaises. Selon lui, il est primordial d’apprendre à vivre dans cette «société 5.0».

Si la préfecture du Kansai a été retenue par le gouvernement japonais, ce n’est pas par hasard. Il s’agit d’un «centre scientifique et technologique important, un vrai laboratoire d’idées», «une ville dynamique avec une vraie capacité d’innovation», a expliqué Vicente Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions et présent à la conférence de presse. De plus, Osaka n’en est pas à son premier coup. En 1970, la ville avait accueilli sa première exposition universelle. Quelque 64 millions de visiteurs avaient foulé les terres japonaises cette année-là, quand Paris n’en avait accueilli «que» 50 millions, mais en 1900.

Cette année, la délégation vise un moins haut. Elle n’attendrait que 28 à 30 millions de visiteurs pour son exposition en 2025. Mais l’ambassadeur du Japon insiste sur un point : le projet ne sera pas moins ambitieux que le premier. Ce projet, c’est aussi l’occasion pour le pays de vendre son «patrimoine foisonnant», selon les mots de Shinzo Abe, Premier ministre. Dans sa lettre adressée au secrétaire général du BIE, il vante les cinq monuments historiques de la région du Kansai, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les Japonais semblent confiants. Ichiro Matsui, gouverneur d’Osaka, répète fièrement que «tout le pays se mobilise». «Nous avons réuni les politiques, les responsables locaux, les entreprises et les citoyens. Et l’Etat, le secteur privé et les collectivités locales investiront tous dans le projet de manière équitable.»

Cinq site possibles côté français

Osaka sera donc candidate face à  Paris. Plus exactement à l’un des  cinq sites ou établissements publics français que sont Paris-Saclay (Essonne), la Plaine de l’Ourcq (Seine-Saint-Denis), Alfortville (Val-de-Marne), Val-d’Europe (Seine-et-Marne) et Gonesse (Val-d’Oise). Pascal Lamy, délégué interministériel chargé de l’Exposition universelle 2025, semble se réjouir de l’entrée du Japon dans la compétition. «Cela fait trois mois que nous nous y attendions», explique-t-il. «Les Japonais veulent réaliser une opération de réhabilitation dans une île, y installer un casino… Ce n’est pas mal d’avoir un concurrent, cela va nous donner de l’énergie.»

Pascal Lamy souligne que les candidatures hexagonales bénéficient d’un «soutien de l’opinion», et qu’elles sont construites autour d’un «modèle privé avec soutien public». Pour le reste, il ne donne pas d’indications sur les chances des uns ou des autres. Des études ont évalué les retombées économiques d’une telle organisation à 23 milliards d’euros, avec la création de quelque 160 000 emplois directs et indirects et une fréquentation d’environ 45 millions de visiteurs sur six mois.

Initiateur du projet, le député-maire LR de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin, aurait rêvé d’une Exposition décentralisée dans toute la France. Le BIE, structure diplomatique de l’Unesco qui préside au choix des villes-hôtes, a rappelé à la France qu’il lui fallait un lieu unique. D’où le repli sur l’agglomération parisienne pour trouver le site à même d’accueillir, sur 100 à 120 hectares, le «village global», point d’orgue de l’Expo. Le choix parmi les cinq lieux en course sera fait mi-juin.

Pour Arnaud de Bellenet, président de l’agglomération Val-d’Europe, les chances de sa candidature sont «réelles». Il cite ses atouts : une gare d’interconnection, «la première en Europe», du foncier disponible, la proximité de Disneyland Paris. «On a vocation à accueillir des touristes supplémentaires», souligne le président, qui ajoute que le passage de l’expo «permettra de booster le développement et de créer de l’emploi chez nous».

Est-Ensemble, communauté d’agglomération qui regroupe Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville et qui gère la candidature de la Plaine de l’Ourcq, mise plutôt sur le paysage. «On pense qu’on a toutes les chances d’avoir le site», martèle une chargée de mission de la candidature. «On développe un projet qui répond parfaitement à la thématique de la France». Selon elle, il met «la renaturation [sic] au coeur du projet. On veut jardiner la ville existante». Jardiner? Il s’agit de replanter des arbres, refaire des espaces de respiration dans la ville. Le site s’appuie sur la corniche des forts et sur des bois pas accessibles. Il s’agit donc de «relier les espaces naturels de l’Est parisien, et de les mettre en réseau pour permettre une promenade verte».

Projets de logements

Pas de promenade verte à Saclay, mais l’agglo a d’autres atouts. Pour Michel Bournat, président de la communauté d’agglomération Paris Saclay, groupe LR, «la logique, comme aux Jeux olympiques, c’est de l’emporter». Le président fait valoir la composante académique forte de son territoire – 70 000 étudiants, vingt établissements d’enseignement supérieur et de recherche, dont Polytechnique, Normale sup et Centrale, et des laboratoires «parmi les plus importants en matière d’environnement».

Bref, sa candidature, n’est pas «le gadget de deux ou trois élus qui voudraient se faire plaisir». Michel Bournat voit dans cet événement une «fête universelle», ainsi que l’occasion de «générer une activité forte, de la croissance économique». Il évoque également le schéma de reconversion des équipements à venir, comme ces projets de logements pour des familles ou des étudiants. Et il conclut, lyrique, «c’est une fête de l’humanité, une ouverture sur le monde, une source d’enrichissement exceptionnelle».

Luc Carvounas, sénateur maire PS d’Alfortville et co-auteur du rapport parlementaire qui a servi de base au projet,  voit les choses en grand. Il rappelle que cela fait un siècle que la France n’a pas reçu l’Exposition universelle. Son «village global» pourrait «s’étaler sur plusieurs kilomètres». il rappelle qu’Alfortville est «assis sur le Grand Paris Express», et qu’il détient cette ambition «de transformer le fleuve qu’est la Seine en un boulevard urbain». Pas moins.

A Gonesse, dont le maire n’a pu être joint dans nos délais, le site aurait pour voisin le mégacentre commercial Europacity, si celui-ci voit le jour.

Les dossiers seront examinés en novembre 2018. En attendant, Ichiro Matsui croise les doigts : «Paris est un adversaire de taille, mais on espère que tout le monde sera fair-play.»