Luc Carvounas, fidèle de Manuel Valls, appelle ce dernier à soutenir sans ambiguïté Benoît Hamon à la présidentielle. Le maire d’Alfortville et sénateur du Val-de-Marne estime que les membres de son courant tentés par Emmanuel Macron « ne sont pas au rendez-vous de l’histoire de la gauche ».

Que dites-vous aux responsables socialistes qui rallient Emmanuel Macron ou qui expriment leurs doutes sur la campagne de Benoît Hamon ?

Luc Carvounas :

Nous sommes dans un moment politique très important. Quand on voit la volatilité de l’électorat et le poids des débats lors des primaires de la droite et de la gauche, on comprend que le débat du 20 mars va avoir un rôle capital. On est en train de sortir de la période où la campagne se focalisait autour des déboires judiciaires de François Fillon.

Dans ce moment, comme dans une liste à la Prévert, quelques socialistes, pas majoritaires et adeptes de la démocratie sondagière, apportent leur soutien à Emmanuel Macron. Mais quelle est la cohérence de leur démarche ? Je ne comprends pas comment une personnalité comme Bertrand Delanoë peut appeler à voter pour le candidat qui a expliqué que François Hollande et les parlementaires de gauche ont humilié la France d’Eric Zemmour et de La Manif pour tous, en votant le mariage pour tous. C’est une grande déception pour moi.

Mais les ralliements se multiplient…

Pourquoi ces socialistes vont-ils s’asseoir aux côtés de Robert Hue, de Patrick Braouezec, de Daniel Cohn-Bendit, d’Alain Madelin, d’Alain Minc, de Renaud Dutreil et de François Bayrou ? C’est quoi, le fil rouge ? Ils sont d’accord pour la hausse de la contribution sociale généralisée que propose Macron ? Pour la fin de la décentralisation telle que nous, socialistes, l’avons inventée avec François Mitterrand et Gaston Defferre ? Pour l’inégalité dans l’école de la République ? Ils sont d’accord avec la fin du dialogue social quand Macron dit qu’il ne fait pas confiance aux syndicats pour gérer l’assurance-maladie ? J’attends d’eux des précisions.

Le fil rouge, c’est le vote utile face au Front national…

Ça, c’est le faux nez qu’ils prétextent pour expliquer aux Français pourquoi ils tournent le dos à trente ou quarante ans de combat politique à gauche. Dire que voter Macron est le seul moyen de faire barrage au FN est faux. Benoît Hamon, s’il est au second tour, battra Marine Le Pen, car tous les républicains de France voteront pour lui, comme cela a été le cas aux régionales en 2015, quand la gauche a voté pour les candidats de droite dans les Hauts-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Moi, je suis social-démocrate et écologiste, je suis socialiste. Je marche sur mes deux jambes, c’est-à-dire le combat contre le FN et la préservation du modèle social. Emmanuel Macron, lui, propose de ne marcher que sur une seule jambe, celle du combat anti-FN, mais il prépare la casse du modèle social tel que nous, socialistes, l’avons porté avec François Mitterrand hier et François Hollande aujourd’hui.

Vous êtes dans l’équipe de campagne de Benoît Hamon. Depuis la primaire de 2011, vous êtes estampillé proche de Manuel Valls. Etes-vous toujours un vallsiste ?

Je suis avant tout un socialiste. Et je suis l’ami de Manuel Valls. Je suis fidèle à mes valeurs et à mes amitiés. Ma feuille de route est celle que Manuel Valls a donnée le soir de notre défaite, au second tour de la primaire : nous rassembler derrière le vainqueur. Je n’ai pas d’état d’âme, j’accepte les règles de la primaire.

Manuel Valls ne semble pas pressé de soutenir Benoît Hamon…

Je suis persuadé qu’il va le faire, parce que c’est un homme d’Etat. Je n’imagine pas un instant qu’il puisse faire autre chose. Il faut qu’il mouille la chemise dans la campagne. Ses amis le font déjà : Elsa Di Méo, Pascale Boistard, Najat Vallaud-Belkacem, Laurence Rossignol, André Viola, moi-même, soutenons Benoît Hamon.

Mais pas Jean-Marie Le Guen ou Patrick Kanner, eux aussi proches de Manuel Valls…

Les noms que vous citez se trompent, ils ne sont pas au rendez-vous de l’histoire de la gauche. Nous avons tous accepté le processus de la primaire. Quand on établit des règles, on ne peut pas les balayer au prétexte que le résultat ne vous plaît pas.

La gauche de Benoît Hamon est-elle aussi votre gauche ?

Je me reconnais à 1 000 % dans l’alliance rose-rouge-vert plus les progressistes. L’union de la gauche est l’histoire de la gauche. Est-ce que je suis d’accord avec tout le programme de Benoît Hamon ? Non. Mais je n’étais pas d’accord avec tout le programme de François Hollande en 2012, ou de Ségolène Royal en 2007, cela ne m’a pas empêché de les soutenir et de faire leurs campagnes.

Pour vous, Emmanuel Macron est-il de gauche, de droite ou du centre ?

Il est de centre droit. Je suis mal à l’aise quand je le vois draguer les voix de Sens commun [émanation de La Manif pour tous au sein du parti Les Républicains] sur le mariage pour tous, quand je le vois draguer les juppéistes, maintenant qu’Alain Juppé s’est définitivement retiré, ou quand il dit qu’il est plus moderne que les appareils politiques et qu’il passe pourtant un accord avec François Bayrou pour quelques dizaines de circonscriptions aux législatives, alors qu’il y a peu, Bayrou disait pis que pendre sur lui ! A la mode, je préfère les valeurs. Au casting, je préfère les idées.