La 5ème République ne supporte que la bipolarisation. Au fur et à mesure des scrutins, qu’ils soient nationaux ou locaux, les faits sont indiscutables: il n’y a jamais eu dans notre vie politique française que deux blocs à même de se disputer le pouvoir.

Certes, des exceptions ont vu le jour, mais éphémères et sans lendemain. Que l’on songe au score de François Bayrou en 2007 (18,57%) qui en 2012 repasse largement sous la barre des 10%; ou bien à celui d’EELV aux élections européennes de 2009 (16,28%) qui est divisé par deux en 2014.

“Néanmoins le scrutin majoritaire à deux tours verra toujours éliminées les formations politiques situées aux côtés ou aux extrêmes des deux partis majoritaires de la gauche et de la droite.”

En revanche, et l’Histoire nous le rappelle, il n’est pas impossible de voir un parti majoritaire, de Droite ou de Gauche, être remplacé par un autre. Ce fût le cas du Parti socialiste qui ravit la place de leader de la gauche aux Parti communiste. Arrivé en tête des partis de gauche à l’élection présidentielle de 1969 avec 21,27% des voix, le PCF chute à 15,35% en 1981 pour terminer à 1,93% en 2007 et ne plus être en capacité de présenter un candidat en 2012.

Ainsi, confère les élections européennes et cantonales, il n’est pas insensé de croire que le Front National puisse se substituer à l’UMP et devienne la seule alternative à la Gauche.

D’autant que la position du “ni-ni” de Nicolas Sarkozy, après ses déclaration sur le “FNPS”, contribue au “harakiri” de l’UMP. Cette stratégie suicidaire facilite très largement la poussée du FN, en mettant sur un pied d’égalité le PS et le parti de Marine Le Pen.

La carte des résultats du premier tour du scrutin départemental est limpide: les départements où le FN enregistre les hausses les plus significatives sont les territoires où la droite n’a plus de discours clair de rejet du FN. Là où les leaders UMP s’accaparent, sinon les idées, au moins les mots des candidats de l’extrême droite, la vague bleue marine se transforme en tsunami.

Dans un département comme celui du Sénateur Eric Doligé, par ailleurs président du Conseil général, proche de Sarkozy, le FN a été présent au second tour dans 16 cantons sur 21. Dans le Nord, où Gérald Darmanin, Député-Maire de Tourcoing, multiplie les déclarations scandaleuses, le FN a pu se maintenir dans 38 cantons sur 41, notamment sur ceux de sa ville.

Dans le Vaucluse où l’extrême droite a obtenu le nombre le plus important de Conseillers départementaux, Julien Aubert a été élu Député grâce au retrait de la candidate FN arrivée en 3ème position qui a appelé à faire “barrage à la gauche”. Arrivé en 3ème position aux élections municipales de Carpentras en 2014, derrière le PS et le FN, il a maintenu sa liste.

A l’inverse, dans les Yvelines, où le Président du Sénat a appelé à faire barrage au FN, celui-ci enregistre une très faible progression. A l’image de la Savoie, où Hervé Gaymard proche d’Alain Juppé a une position ferme vis-à-vis de l’extrême droite. En Gironde, sur 33 cantons, 19 ont vu s’opposer au 2ème tour un candidat PS contre un candidat UMP et sur les 6 triangulaires, aucune ne laissait présager une victoire du FN arrivé systématiquement en 3ème position.

Nos modes de scrutin ne permettant qu’à deux acteurs de jouer la dernière scène de la démocratie, l’UMP ne tenant plus son rôle de digue républicaine, favorisant ainsi la montée des extrêmes, il n’est pas impossible de voir le Front national devenir le premier parti de Droite.

“Nous sommes peut-être à l’aube d’une nouvelle ère politique qui, si la Droite républicaine de se reprend pas, verra la Gauche affronter systématiquement le parti de Marine Le Pen.”

A moins que… la Gauche elle-même soit dans l’incapacité d’être présente au second tour.

Et nous en sommes capables, au regard des divisons qui nous minent et des stratégies incohérentes qui semblent nous guider. Combien de cantons venons-nous de perdre à cause de la multiplication de nos candidats?

Ainsi, le Parti socialiste a une responsabilité historique dans le cadre de son Congrès à venir. Evitons ces débats où chacun se sentirait plus légitime que l’autre pour délivrer des brevets de socialisme. Si la ligne politique doit être tranchée, la question des alliances doit être posée. Ces questions sont consubstantielles, comme ce fût le cas du congrès d’Epinay qui vit la question des alliances placée au centre des débats.

Poitiers ne doit pas être un congrès nombriliste, un congrès d’entre soi où les socialistes parlent aux socialistes. Nous serons regardés, épiés même.

Nous devons recréer les conditions de l’Union et mettre fin au “dialogue idéologique” stérile que dénonçait déjà François Mitterrand en 1971 qui n’aboutira qu’au constat de nos désaccords. Nous devons trouver de nouveaux moyens pour fédérer l’ensemble des réformistes et des écologistes. L’avenir des Démocrates français en dépend.

 

Tribune publiée sur le Huffington Post