Luc Carvounas a été élu président de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) le 11 décembre dernier. Le maire socialiste d’Alfortville entend, durant ses six années de mandat, renforcer l’influence de l’association en misant notamment sur la communication et des partenariats avec des fondations privées.

Le 11 décembre, vous avez été élu président de l’Unccas qui fédère 4 100 centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS-CIAS). Comment envisagez-vous votre mandat ?

Tout d’abord, il faut que l’on reconnaisse l’utilité des CCAS qui sont encore en première ligne de cette crise sociale. Mais pour réussir le pari, il faut que l’Unccas soit dans une gouvernance partagée. C’est ce que nous avons tenté de faire avec le nouveau bureau national et le Conseil d’administration. Les territoires d’Outre-mer sont davantage représentés grâce à deux vice-présidentes, maires de communes de La Réunion et de la Guadeloupe. Il y a également plus de maires car cela me paraît important que la parole de l’Unccas soit portée par les élus.

Pour constater ce qui ce passe réellement sur le terrain, je m’apprête à entamer un tour de France pour aller à la rencontre des CCAS et de leurs difficultés actuelles. À Alfortville, (Val-de-Marne, 836 agents dont 36 agents CCAS, 44 000 hab.), ville dont je suis maire, nous avons la chance d’avoir un nombre suffisant d’agents qui travaillent au sein du CCAS et un budget de 4 millions d’euros mais je suis bien conscient que ce n’est pas le cas de tous.

Les chantiers de l’action sociale sont nombreux dans le contexte actuel, quelles vont être vos priorités ?

Celui de la lutte contre la pauvreté des jeunes qui vont être frappés de plein fouet. Tous les indicateurs annoncent une crise majeure et chez les moins de 25 ans cela va être catastrophique. À titre d’exemple, nous distribuons 250 repas par semaine à Alfortville et on y voit de plus en plus de jeunes. Dans beaucoup de communes, l’arrivée de nouveaux bénéficiaires a fait augmenter le nombre d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté. À Alfortville, ils sont désormais 22%.

Je soutiens l’idée d’un élargissement du RSA au moins de 25 ans, et nous allons continuer de le marteler. L’autre solution, c’est d’insérer en amont les jeunes précaires via des stages ou de l’alternance sauf que les entreprises sont de plus en plus réticentes et ne jouent pas toujours le jeu. Encore une fois, les maires ont une responsabilité pour éviter le décrochage complet des jeunes. Malheureusement, l’un des premiers messages de ce gouvernement a été de supprimer les emplois aidés. Ils y reviennent maintenant mais nous avons perdu beaucoup de temps.

Au-delà du constat, quelle stratégie allez-vous adopter pour peser sur les politiques nationales ?

Il faut des propositions et arrêter l’incantatoire. Pour le moment, nous ne sommes auditionnés par les parlementaires que dans le cadre du PLFSS. Il faut que l’on nous considère comme une association puissante d’élus locaux qui doivent avoir voix au chapitre concernant la construction des politiques publiques. Mon ambition est claire : l’association doit devenir le premier l’interlocuteur de l’État sur les questions sociales. Pour cela, le nombre d’adhérents doit augmenter au cours des 6 prochaines années. Sur les 35 000 collectivités qui existent, nous n’en réunissons que 4 100 et c’est encore trop peu.

L’idée est donc de miser sur une meilleure communication auprès des futurs adhérents et d’accentuer le lobbying auprès du gouvernement ?

J’ai été parlementaire pendant 9 ans et je sais comment cela fonctionne. La politique de non-cumul des mandats a entrainé la perte d’une expertise territoriale, du moins en ce qui concerne l’Assemblée nationale. L’Unccas – une association de maires et de présidents de CCAS – se doit de devenir le lobbyiste du social. Il faut aussi construire un front commun avec toutes les grandes associations du secteur.

Dans cette crise sanitaire, sociale et environnementale nous avons été en première ligne. Le pays marche sur deux jambes : la première, c’est les collectivités, la seconde, c’est l’État. Nous avons beaucoup de bonnes pratiques à faire remonter. L’Unccas est un outil avec une grosse force de frappe dans les territoires mais encore faut il bien communiquer. Pour ça, il faut de bons émetteurs, sinon aucune de nos propositions ne sera entendue par le gouvernement.

Vous envisagez aussi d’ouvrir l’association aux fondations de groupes privés. Dans quel but ?

Je souhaite mettre en place, via le fond de dotation qui est une structure ad hoc de l’association, une sorte d’« Unccas partner » pour nouer des partenariats. L’idée est de se rapprocher des fondations de grands groupes privés sur des projets structurants dans les territoires. De cette manière, nous pourrions venir en aide aux plus petits CCAS qui manquent de moyens. Il me semble important de pouvoir réunir autour d’une même table, les élus, les présidents de CCAS mais aussi les entreprises privées.

Après des reports successifs, la présentation du projet de loi « Grand âge et autonomie » n’est toujours pas inscrite dans le calendrier parlementaire. S’agit-il d’un mauvais signal ?

Nous attendons de cette loi qu’elle donne plus de moyens aux secteurs sinistrés que sont le grand âge et le handicap. J’espère sincèrement que le gouvernement ne va pas se prendre les pieds dans le tapis sur cette question qui doit faire partie des priorités. Au vu du calendrier, il y a effectivement peu de fenêtres de tirs. Reléguer cette loi au second plan serait un très mauvais signal.

Source : La gazette des communes