« Ecoles en danger » : des banderoles accrochées aux façades des bâtiments, une campagne sur les réseaux sociaux, des délégations d’élèves et de profs chez les parlementaires… L’heure est à la mobilisation sur les campus des écoles de la CCI de Paris-Ile-de-France.

La ponction infligée depuis trois ans aux Chambres de commerce et d’industrie commence en effet à inquiéter sérieusement étudiants, enseignants et responsables de ces écoles. Il faut rappeler que l’une des principales activités des CCI, outre les salons et congrès et l’administration de certains aéroports, concerne l’éducation des jeunes. Les CCI ont notamment financé et tenu à bout de bras, pendant des décennies, la plupart des grandes écoles de management – à commencer par les trois principales parisiennes, HEC, l’Essec et l’ESCP Europe. Contraintes depuis quelques années de réduire la voilure, elles ont réduit drastiquement leur soutien – ce qui explique, pour une large part, les hausses importantes des frais de scolarité dans ces établissements.

A l’école de cuisine Ferrandi.
Des élèves de l’école de cuisine Ferrandi, à Paris.
A elle seule, la CCI de Paris-Ile-de-France exerce ainsi sa tutelle sur 24 écoles, comme Les Gobelins (métiers de l’image et de l’animation), l’Esiee (ingénieurs en électronique et électrotechnique), La Fabrique (métiers de la mode et de la décoration), Ferrandi (école de cuisine internationalement connue) ou encore Sup de Vente. Soit un total de 32.000 jeunes, dont 14.000 en apprentissage – sans oublier quelque 30.000 adultes en formation continue. Ce qui fait d’elle le deuxième formateur de France, après l’Education nationale, en même temps qu’un des acteurs majeurs de la formation en alternance. Autant de formations qui se caractérisent par des liens étroits avec le monde professionnel, et par un haut niveau d’insertion des diplômés. Les écoles consulaires, de façon générale, forment des diplômés employables et appréciés des recruteurs.
Or voilà qu’une nouvelle fois, le gouvernement entend diminuer les ressources des CCI. Le projet de loi de finances pour 2017, qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoit une nouvelle baisse de 60 millions d’euros de la taxe pour frais de chambre (TFC). Soit, pour la seule CCI de Paris-Ile-de-France, une réduction de 14 millions. Alors que, depuis trois ans, son budget a déjà été amputé de 290 millions d’euros, ce qui a conduit à la suppression de 1000 postes en un an, à de nombreux licenciements, et à une forte diminution des investissements. « Toute nouvelle baisse des moyens qui serait envisagée par l’Etat en 2017 nous obligerait à fermer des établissements de formation et à supprimer des emplois », avait indiqué le précédent président de la CCI, Jean-Paul Vermès, il y a quelques mois. Nous y sommes.

L’immeuble Champerret de la CCI de Paris-Ile-de-France.
L’immeuble Champerret de la CCI de Paris-Ile-de-France.
D’où la mobilisation dans les écoles de la Chambre, à l’heure où les parlementaires examinent le projet de loi de finances 2017. « Ce projet de réduction des budgets de la CCI nous inquiète, explique Alexandre David, 20 ans, élève en BTS de design graphique aux Gobelins. Sur les réseaux sociaux, la question est très présente. Notre classe a créé un groupe Facebook. Pour le moment, l’école a pu acquérir du matériel de qualité, qui nous permet d’étudier dans de bonnes conditions. Mais si les budgets diminuent encore, cela risque de devenir difficile… »

« La plus grosse partie du budget de la Chambre est affectée à nos classes et à nos formations, observe de son côté Emeric de Peretti, 22 ans, en 4ème année à l’Esiee. Forcément, cela nous interpelle. En informatique, nous travaillons sur des technologies qui évoluent sans cesse. Il faut régulièrement les remettre à jour. Si les ressources de l’école diminuent, cela va affecter la qualité de notre formation. »
Plusieurs parlementaires, y compris au sein de la majorité, commencent eux aussi à émettre des réserves sur ces ponctions infligées aux CCI. Le sénateur Luc Carvounas (PS) a ainsi écrit à Michel Sapin, ministre de l’Economie et des Finances, pour demander un réexamen du PLF : « Le projet de loi de finances pour 2017 risque de porter un coup rude aux CCI d’Ile-de-France et à la CCI du Val-de-Marne en particulier. Or celles-ci ont déjà fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics et ont engagé des mesures fortes pour faire face à la diminution de leurs ressources : arrêt de prestations d’activités dédiées aux entreprises, suppression d’activités dans l’enseignement (…). »

De son côté, Jean-Luc Laurent, député (MRC) du Val-de-Marne intervenant en séance en première lecture à l’Assemblée, pointait une « approche au rabot (qui) conduit à des réductions d’activité et des suppressions de postes sans lien avec une amélioration du service rendu ou une modernisation de l’action consulaire. (…) Il convient donc d’interrompre cette politique comptable en déplafonnant les ressources fiscales des CCI ».

Reste à savoir si le gouvernement, toujours en quête de moyens pour boucler son budget, est prêt à faire un geste en direction des CCI… et de leur pôle de formation. Ou s’il prendra le risque de pénaliser leurs étudiants.

Par Jean-Claude Lewandowski

Source blog.lemonde.fr