« Ils en ont fait des tonnes avec Jean-Michel Blanquer, pendant les questions au gouvernement… Enfin, ils n’ont qu’un seul ministre à peu près compétent, il faut bien qu’ils le mettent en avant. » La remarque fuse dans les couloirs de l’Assemblée. Luc Carvounas n’est pas encore installé à son bureau qu’il veut déjà faire sentir qui il est, et de quel côté il se place : un député « de l’opposition », un membre du Parti socialiste qui « n’a pas peur de dire les choses ». Il est le premier candidat déclaré à vouloir succéder à Jean-Christophe Cambadélis, en tant que premier secrétaire du PS.
Luc Carvounas a longtemps été fidèle à Manuel Valls, avant de soutenir Benoît Hamon pendant la campagne présidentielle. Un zigzag parmi d’autres qui lui valent les reproches de ses détracteurs. Il les balaye en expliquant que sa fidélité au PS passe avant tout. S’il a suivi Manuel Valls au début de sa carrière politique, c’est parce qu’il jugeait que « c’était un très bon maire d’Évry ». Il relativise d’ailleurs sa proximité avec lui : « J’ai toujours été au centre et parlé à tout le monde. » Valls, dit-il, ne l’a pas même informé qu’il quittait le parti.
Tout cela, c’est du passé. Désormais, il brandit un seul mot d’ordre : l’« urgence ». « Au PS, on ne mesure pas suffisamment l’urgence, déplore-t-il. Il faut sortir du délitement auquel on a tous participé. Si nous ratons le congrès de mars prochain, notre parti pourrait mourir. »

« Central »

Voilà pourquoi l’Alfortvillais a annoncé sa candidature en premier, le 30 novembre, pour ne pas « faire comme ces apparatchiks qui disent qu’ils ne sont pas candidats et font tout dans l’ombre », ou ceux qui « font les couvertures de magazine mais oublient les militants ». Luc Carvounas ne cite pas de noms, mais entre les lignes, on devine ceux de Stéphane Le Foll, Rachid Temal, et ceux des autres candidats qui se mettront en travers de son chemin.
Il évoque son projet pour le Parti socialiste : « Nous devons nous retrouver en étant libres et libérés (c’est son slogan, NDLR) autour d’un projet social-démocrate, écologique et européen. » Quelle différence, alors, avec le parti d’Emmanuel Macron ? « La République en marche représente la droite libérale ! » répond vivement l’ancien maire. Hors de question pour lui de frayer avec le parti du président.
Sur le fond, on n’en saura pas plus. Si ce n’est sa volonté de « moderniser » le fonctionnement du PS en le décentralisant. « Il faut donner du pouvoir aux territoires, en laissant la ligne idéologique au national », explique l’élu. On le questionne : souhaite-t-il représenter l’aile gauche du parti, lors du congrès ? Il affirme qu’on lui donne tantôt « un casque à pointe », tantôt « une faucille et un marteau », mais que lui a toujours été, est et restera « central » : « quelqu’un qui parle avec toute la gauche ».
Il tient toutefois à rappeler qu’il est « fils de prolo et fier de l’être », d’origine grecque, et turque, insiste sur son enfance où il vivait avec sa famille « à six dans un deux-pièces » jusqu’à ses onze ans. L’homme met volontiers en scène son histoire personnelle. En 2015, Carvounas devient le premier parlementaire à épouser une personne du même sexe. « J’assume tout, je ne cache rien, c’est ma façon d’être », lance-t-il, en évoquant son mari.

Je souhaite que, dans les livres, on dise que ma génération a sauvé le PS

Il assure que son « plus beau mandat a été celui de maire d’Alfortville ». Il va jusqu’à citer François Hollande : « Le mot maire compose le verbe aimer. Pour être maire, il faut aimer les gens. » En juin dernier, réélu député du Val-de-Marne, il a pourtant préféré l’Assemblée à Alfortville. Mais c’était, selon lui, seulement pour ne pas « laisser le terrain à LREM ».
Il assure aussi être certain de sa victoire. « Je suis un sensitif. Il y a des choses que l’on sent dans la vie. Je sens, aujourd’hui, que je vais gagner », affirme-t-il, un brin théâtral. Car le prochain dirigeant du PS devra avoir « un rapport charnel avec son parti », « une connaissance des fonctions locales » et « être attaché à l’union de la gauche ». Trois prérequis qui, par un heureux hasard, sont réunis dans son parcours politique. L’homme providentiel, c’est lui. Avec, même, un désir de postérité. « J’ai envie d’être rassembleur, confie-t-il. Je souhaite que, dans les livres, on dise que ma génération a sauvé le PS. J’y crois vraiment. »
Mais, pour cela, chacun doit rester à sa place. « J’ai vu tout le monde, explique le député. Olivier Faure doit rester président de groupe à l’Assemblée, il est très bon dans ce qu’il fait. Najat serait, elle, une excellente tête de liste pour les élections européennes. Il faut une intelligence collective. Nous devons nous rassembler, chacun à nos postes, et pousser tous ensemble dans le même sens. » Si les autres ne partagent pas sa conviction, Luc Carvounas en est, lui, persuadé : son poste est à la tête du Parti socialiste.

PAR MARYLOU MAGAL

Source : Le Point