A l’attention de M. Emmanuel Macron, Président de la République française,

Monsieur le Président,

Depuis la destitution de la présidente du Brésil Dilma Rousseff en 2016 et l’arrivée au pouvoir controversée de son vice-président Michel Temer, la situation politique au Brésil est marquée par la multiplication des incarcérations de personnalités politiques de premier plan et la montée d’un discours, et parfois d’actes, de haine anti-démocratique. Dans ce contexte, l’élection présidentielle qui s’y tiendra dans quelques semaines revêt une importance considérable pour la démocratie brésilienne et, au-delà, pour toute l’Amérique latine. A cet égard, les conditions dans lesquelles la candidature de l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, grand favori du scrutin, est pour l’heure écartée nous inquiètent et nous amènent à solliciter votre intervention en faveur d’élections justes et légales au Brésil.

Notre intervention s’inscrit dans la continuité des soutiens exprimés à la candidature de Lula par six anciens chefs d’États français, italiens, espagnol et belge, 29 parlementaires des Etats-Unis, un ancien président du Parlement européen, de nombreux juristes internationaux de tous bords politiques et, surtout, le comité des droits de l’homme de l’ONU qui a demandé le 17 août au Brésil de prendre toutes « les mesures nécessaires pour permettre à Lula (…) d’exercer ses droits politiques depuis sa prison, comme candidat à l’élection présidentielle ». Ce comité est en charge d’appliquer le pacte relatif aux droits civils et politiques, texte dont le protocole a été ratifié par le Brésil en 2009, se soumettant ainsi aux décisions de ce comité. Ainsi, au regard du droit international, la décision d’écarter Lula de l’élection est désormais illégale.

Tant que tous les recours déposés par ses avocats n’auront pas été traités par les autorités compétentes, Lula doit pouvoir bénéficier des garanties constitutionnelles prévues par la législation brésilienne et être candidat. Ce d’autant plus que de nombreuses incertitudes persistent sur la légalité du procès, pouvant ainsi remettre en cause la légalité du scrutin et en impacter irrémédiablement le résultat. La rapidité inhabituelle avec laquelle a été menée la procédure porte en définitive à croire que ces mesures exceptionnelles ont été mises en œuvre dans l’unique but d’évincer Lula, qui s’annonçait imbattable dans les urnes. Avant même le jugement du suprême tribunal électoral qui a délibéré son illégitimité le 31 août dernier, Lula s’est vu exclu des débats télévisés, voire même sciemment écarté de la couverture électorale faite par la chaîne Globo. D’autres candidats ont au contraire vu leur candidature validée alors qu’ils ont été récemment condamnés. Parmi eux, le représentant de l’extrême droite et nostalgique de la dictature militaire, Jair Bolsonaro, accusé par la procureure de la Justice de racisme et de propos discriminatoires, a vu son jugement reporté et continue sa campagne sans aucune restriction. Il pourrait être le grand bénéficiaire de l’élimination illégale de Lula.

Au vu de l’instabilité politique que vit le Brésil depuis plus de deux ans, la possibilité qu’un extrémiste parvienne à la tête du 5ème pays mondial par sa superficie et 6ème par sa population, de surcroît dans le cadre d’une élection illégale, est particulièrement inquiétante. Le temps presse. Il ne reste plus que quelques jours pour garantir que l’élection présidentielle brésilienne soit légale et légitime. C’est pourquoi nous vous appelons à mettre en œuvre en urgence tous les moyens pacifiques à votre disposition pour que Lula puisse être candidat. Il n’y aurait là aucune ingérence à l’encontre d’un Etat souverain. Au contraire, il s’agit de garantir la légalité des élections au regard du droit international et la possibilité au peuple brésilien d’exercer pleinement sa souveraineté. Cet acte courageux que nous appelons de votre part serait à la mesure de la fraternité qui lie la France et le Brésil, qui partagent bien plus qu’une frontière commune. Le peuple brésilien saura se souvenir d’un soutien de la France qui contribuerait à lui redonner la possibilité d’exercer sa souveraineté et à remettre l’histoire brésilienne dans le sens du progrès.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, nos salutations républicaines respectueuses.

 

Clémentine AUTAIN, Huguette BELLO, Ugo BERNALICIS, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie-George BUFFET, Luc CARVOUNAS, André CHASSAIGNE, Jean-Michel CLÉMENT, Paul- André COLOMBANI, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Caroline FIAT, Régis JUANICO, Sébastien JUMEL, Mansour KAMARDINE, Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Bastien LACHAUD, François-Michel LAMBERT, Jérôme LAMBERT, Michel LARIVE, Jean-Paul LECOQ, Jean-Luc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Stéphane PEU, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Fabien ROUSSEL, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE, Hubert WULFRANC

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