En 2012, Terra Nova publiait la note “Gauche: quelle majorité électorale pour 2012”. Elle a été dévastatrice politiquement pour le PS, tout en étant révélatrice d’un état d’esprit “boboïsé” d’une élite socialiste au plus haut niveau de nos instances.

Ce texte prônait de se tourner vers un “nouvel électorat de la Gauche”, celui d’une “France de demain” fantasmée par des élites parisianisées, qui comprenait “les diplômés”, “les jeunes”, “les minorités et les quartiers populaires” et “les femmes”.

Quelle erreur politique majeure que d’avoir voulu segmenter l’électorat en clientèle; nous ne sommes pas là pour gouverner avec les sondages, mais pour proposer un projet politique global qui s’adresse à tous.

Pour ma part, je refuse d’abandonner les classes populaires à Jean-Luc Mélenchon ou à Marine Le Pen. Pour autant, nous devons comprendre les raisons de cette désaffection. Si beaucoup se sont détournés du PS, c’est d’abord parce que nous ne sommes pas allés assez loin lors du précédent quinquennat sur le pouvoir d’achat des salariés et sur le ras-le-bol fiscal des classes moyennes. Pour donner un exemple, je pense que la refiscalisation des heures supplémentaires a été une erreur.

Aujourd’hui, un problème politique se pose à la Gauche: le délitement du lien social dans les classes populaires qui place les individus dans une concurrence sauvage entre précaires. La fracture territoriale qui s’exprime aussi, par l’abandon des services publics dans de nombreux territoires, crée ce sentiment d’abandon des classes populaires.

C’est pourquoi dans la campagne interne que je mène actuellement au Parti Socialiste, j’ai décidé de défendre avec acharnement les salariés –Carrefour, gardiens de prisons, fonctionnaires, emplois aidés d’utilité publique– comme nos services publics –désertification médicale, EHPAD, fermeture de classes dans de nombreuses écoles.

De plus, la question européenne est devenue un clivage fondamental entre les classes populaires des périphéries et les classes moyennes ou aisées des métropoles: on puise sa source dans le schisme politique de la Gauche suite au référendum européen de 2005.

Je veux donc réconcilier les classes populaires avec l’Europe, car sans elle, il n’y aurait pas de réconciliation possible avec la Gauche que nous incarnons. Cela devra commencer dès les élections européennes de 2019 pour que nous portions un projet commun des Gauches européennes, qui pourrait alors donner naissance à LA Gauche européenne.

À ce titre, même si je comprends que cette nouvelle soit rassurante pour nos amis allemands, je crois que la coalition SPD-CDU est une erreur politique que la Gauche allemande payera chère à moyen terme. C’est pourquoi j’espère aussi que Matteo Renzi refusera de s’associer à Silvio Berlusconi pour gouverner à la suite des prochaines élections législatives en Italie.

Défendre les classes populaires aujourd’hui, ce n’est pas être dans une mystique passée de l’ouvrier, c’est lutter contre le “précariat” dans son ensemble: les ouvriers, mais aussi les femmes travaillant à temps partiel subi, les travailleurs des plateformes numériques, les fonctionnaires de catégorie C sous-payés, les intérimaires, les jeunes chômeurs etc…

Je défends donc des propositions très concrètes dans mon texte d’orientation pour les classes populaires. Quelques exemples: remplacer les profs en 48h dans les ZEP ou généraliser à l’école l’accueil des enfants de moins de 3 ans; exonérer de TVA les biens de première nécessité (énergie, alimentaire…) ; créer un panier de services publics à 15 minutes pour tous les Français; créer un 5ème risque de la sécurité sociale; lancer un grand plan de rénovation thermique des bâtiments pour résoudre la précarité énergétique.

Ces propositions appartiennent à la philosophie générale du “progrès partagé” que je défends. Je suis persuadé qu’il peut être ce projet global dont la Gauche a besoin pour renouer avec les classes populaires. Il est notre ADN, ne regardons plus ailleurs.

Source : HuffPost