La rencontre qui vient de se tenir autour du Président de la République avait un seul objectif : l’emploi !
Elle est l’aboutissement d’un dialogue. J’ai rencontré, vous le savez, tous les partenaires sociaux la semaine dernière.
Nous avons abordé ensemble tous les sujets, sans en éluder aucun, depuis le contrat de travail jusqu’aux fraudes au détachement. C’est ainsi, par le dialogue social, en associant tous les acteurs, qu’on y répond le mieux.
Tous n’avancent pas les mêmes solutions, mais tous partagent -me semble-t-il- l’envie d’avancer de façon pragmatique et rapide, à partir de constats qui sont souvent partagés.
Le premier constat, c’est la croissance qui revient – mais une croissance qui ne permet pas encore de faire baisser le chômage.
Le deuxième constat est le suivant : les très petites, petites et moyennes entreprises sont le coeur du tissu économique de notre pays – elles constituent 99,8 % des entreprises françaises ! – et elles font également sa vitalité. Elles sont présentes sur tout le territoire pour assurer des missions de proximité – et elles emploient la moitié des salariés en France.
Les entrepreneurs et les salariés font la force de notre pays. Les entrepreneurs souhaitent construire, développer leur activité, conquérir des marchés, donc embaucher. Ils travaillent dur pour cela : être entrepreneur, cela demande de la passion, mais aussi des sacrifices – combien de petits patrons ne se payent pas de salaire, prennent sur eux en attendant que l’activité s’améliore ? 2

Et nous le savons bien : ils peuvent hésiter à embaucher car ils ressentent trop d’incertitudes, de complexité dans leur environnement. Je dis « ils ressentent » parce que cette crainte est parfois exagérée ou purement psychologique. Mais le résultat est le même : il y a chez certains une peur de se lier les mains avec une embauche ; que faire, ensuite, si le carnet de commande se vide, si un client important rompt son contrat ? Que faire si le salarié embauché ne répond pas aux attentes ?
Il fallait donc que le gouvernement s’engage aux côtés de ceux qui souhaitent réussir, et faire réussir leur pays. Nous prenons aujourd’hui des mesures fortes pour lever les freins, les incertitudes, simplifier la vie des TPE et des PME et donc encourager l’embauche. Elles sont le principal gisement d’emploi dans notre pays – et nous voulons aujourd’hui leur témoigner notre confiance.

Nous avons décidé ce matin de 18 mesures. Je vais me concentrer dans ma présentation sur 5 d’entre elles, les plus emblématiques, les plus puissantes.
Elles prolongent notre action économique qui donne aux entreprises en général, et aux TPE et PME en particulier, les marges de manoeuvre dont elles ont besoin pour investir et pour embaucher.
Je pense bien sûr à l’allègement du coût du travail, grâce au CICE et au Pacte de responsabilité et de solidarité. Ils continuent à monter en puissance en 2015, et continueront en 2016 et 2017 dans des conditions qui seront précisées pendant l’été au terme de l’évaluation des engagements tenus par les uns et les autres.

1. Faciliter le premier pas

La première mesure arrêtée ce matin concerne les 1,2 millions de TPE qui n’emploient aucun salarié, alors même qu’elles pourraient avoir de l’activité pour un ou plusieurs salariés. Pour aider ces entreprises à « sauter le pas » et à recruter leur premier salarié, nous avons décidé de la mise en place d’une aide exceptionnelle à l’embauche du premier salarié.
Toutes les petites entreprises qui embaucheront un premier salarié entre le 9 juin 2015 et le 15 juin 2016 bénéficieront d’une prime à l’embauche de 4000 €, 2000€ la première année et 2000€ la deuxième année. Cette prime s’ajoutera à l’ensemble des allègements de cotisations sociales, au CICE et au Pacte de responsabilité, couvrant ainsi -au SMIC- plus du tiers du salaire. Il ne s’agit pas d’un cadeau supplémentaire fait aux entreprises mais d’un appui aux entrepreneurs qui se lancent dans l’aventure du recrutement d’un premier salarié.

2. Lever l’incertitude en cas de recours aux prud’hommes

Nous voulons apporter des réponses aux employeurs qui parfois hésitent à embaucher parce que l’éventualité d’une procédure de licenciement conflictuelle les freine.
Les partenaires sociaux avaient franchi en 2008 une première étape avec la rupture conventionnelle, qui permet d’éviter les conflits. Ils ont ensuite voulu en 2013 que les syndicats soient associés aux discussions qui accompagnent les licenciements collectifs dans les grandes entreprises en négociant les PSE. C’était l’une des dispositions de l’ANI puis de la loi sur la sécurisation de l’emploi, et ses effets sont manifestes : le taux de contestation de ces procédures est passé de plus de 25% à moins de 8%.

Mais pour les TPE et PME, lorsqu’il n’y a pas de rupture conventionnelle, une incertitude demeure avec les prud’hommes puisqu’il n’existe pas de plafond aux montants d’indemnisation prononcés. La loi pour la croissance et l’activité apporte de premières mesures d’amélioration de cette procédure et de raccourcissement des délais, mais nous devons aller plus loin.
Nous avons donc décidé d’instaurer un plafond – et un plancher – aux indemnités que l’employeur doit verser dans le cas d’un licenciement contesté aux prud’hommes.
Ce barème tiendra compte – c’est l’objectif – de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. Pour une entreprise de moins de 20 salariés, le montant des indemnités sera compris entre 2 et 6 mois de salaire, le plafond étant porté à 12 mois pour les salariés ayant 15 ans d’ancienneté et plus. Pour les entreprises de plus de 20 salariés, le barème sera de 4 à 12 mois, puis 20 mois à partir de 15 ans d’ancienneté. Pour les entreprises plus grandes, à partir du seuil de 250 ou 300 salariés nous le détermineront avec les parlementaires, nous adapterons ces mesures : ce ne sont pas les grandes entreprises qui sont au coeur de cette sécurisation nécessaire.
Par ailleurs, ce barème ne concernera pas les cas les plus graves, ou la discrimination ou le harcèlement par exemple, pour lesquels les juges prud’homaux pourront prononcer d’autres montants.
Cette mesure sera introduite par voie d’amendement au projet de loi croissance et activité.

3. Apporter certaines souplesses de bon sens

Nous avons écarté l’idée de créer un nouveau contrat de travail. Il en existe déjà beaucoup, et nous ne sommes pas convaincus que cela présente plus d’avantages que d’inconvénient, y compris d’insécurité juridique nouvelle.
En revanche, nous apportons certaines améliorations aux contrats existants :
Nous allons d’abord permettre aux entreprises de renouveler les CDD deux fois, au lieu d’une aujourd’hui- sans bien sûr toucher à la durée maximale du CDD, qui reste de 18 mois en tout.

Un amendement au projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social et à l’emploi sera déposé dans ce sens.
En ce qui concerne le contrat d’apprentissage, nous allons apporter une précision attendue quant à la période d’essai de 2 mois. Nous avons aujourd’hui une situation un peu ubuesque où certains jeunes qui commencent leur parcours en CFA arrivent en entreprise en ayant déjà terminé leur période d’essai ! Désormais la période d’essai de 2 mois débutera lorsque l’apprenti arrive dans l’entreprise.

4. Encourager les entreprises à franchir les seuils

Quatrième mesure : nous voulons encourager les entreprises à franchir le seuil de 11, 20 ou 50 salariés – là où les changements de cotisations sociales et de fiscalité qui en découlent peuvent aujourd’hui les faire hésiter. Le projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social et à l’emploi simplifie fortement les IRP et les obligations d’information et de consultation. L’objectif, c’est d’établir un dialogue moins formel et plus efficace qui associe mieux les salariés à la performance de l’entreprise.
Nous poursuivons aujourd’hui ce travail en agissant sur les autres effets –fiscaux et de prélèvements sociaux- liés au franchissement d’un seuil : désormais, les petites entreprises qui passent un seuil ne verront pas leur situation changer pendant trois ans. Les prélèvements sociaux et fiscaux liés à leur nouvelle situation n’interviendront qu’au terme de ce gel de 3 ans.

5. Combattre les fraudes au détachement

Autre sujet très important dont nous ont parlé tous les partenaires sociaux, syndicats comme patronat : le détachement des salariés. Aujourd’hui les fraudes au détachement sont destructrices pour l’emploi, faussent la concurrence au détriment de ceux qui respectent la loi, et menacent même dans beaucoup d’endroits notre cohésion sociale.
Je suis frappé, comme beaucoup, par l’ampleur du phénomène. Certains secteurs sont particulièrement concernés – je pense au BTP, aux transports ou à l’agriculture. Cette situation est inacceptable, tant pour les salariés concernés qui tombent dans une forme d’exploitation souvent honteuse que pour les TPE et PME qui respectent les règles et sont fragilisées par cette concurrence déloyale.
Nous avons déjà renforcé notre dispositif de lutte contre ces fraudes, y compris dans le projet de loi croissance et activité.
Aujourd’hui, je veux que nous prenions des dispositions plus radicales pour enrayer cette dérive. Contrôles et sanctions à l’encontre des employeurs de salariés détachés seront accrues, mais surtout nous allons créer une responsabilité solidaire directe et pécuniaire des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants qui pratiquent le détachement.
Si une entreprise ne présente pas les documents utiles au contrôle, elle sera sanctionnée aussi durement que si elle n’avait pas déclaré ses travailleurs détachés. Ce contrôle de l’administration sera d’autant plus efficace que la possibilité de suspendre administrativement – par exemple – des opérations de chantier sera élargie.
Nous agirons en parallèle au niveau européen pour faire bouger les lignes et engager une révision de cette directive sur les travailleurs détachés. La commission a annoncé qu’elle y était prête : Jean-Claude JUNCKER indiquait en juillet 2014 qu’il « mettrait en place une révision ciblée de la directive pour garantir que le dumping social n’ait pas de place dans l’Union européenne ».
Par ailleurs, la question plus générale des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants a souvent été évoquée par les partenaires sociaux que j’ai rencontrées la semaine dernière. Les politiques de filières, et en particulier les relations donneurs d’ordre – sous-traitants, seront donc l’un des thèmes pour une « conférence sociale » que nous organiserons cet automne.

Mesdames, messieurs,
Vous le voyez : nous présentons aujourd’hui un panel de mesures qui agit sur tous les leviers pour que les TPE et les PME puissent se développer, investir, embaucher.
C’est ainsi, en nous appuyant sur les petites et moyennes entreprises de France, que nous pourrons amplifier la croissance et faire enfin baisser le chômage. C’est l’objectif de toute notre politique économique : avec cohérence, avec constance, mobiliser toutes les énergies pour libérer toutes les créations d’emplois que nous pouvons susciter.
Nous assumons ces choix, faits avec le Président de la République et les ministres : nous devons réformer, nous devons simplifier et sécuriser, nous devons créer ce mouvement pour l’embauche dans les TPE et PME, c’est cela la priorité du moment, c’est cela l’essentiel !
Comme d’autres l’ont fait à côté de nous, il faut décider des mesures fortes : c’est ce que nous avons fait ce matin, avec ce qui peut être considéré comme un « small business act » à la française !
Je suis désormais à votre disposition, avec les ministres qui m’entourent, pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.