A 46 ans, il est député et se lance dans un pari fou: redresser le PS ! Son nom: Luc Carvounas. Portrait d’un décomplexé

Question off d’une journaliste:  «Diriger le PS, n’est-ce pas un  job à la con ?» Réponse de Luc Carvounas : « Oui, mais j’en ai envie ! » Le député du Val-de-Marne apparaît libéré  en ce jeudi après-midi, après s’être officiellement lancé dans la course pour la tête du PS qui réunit son «parlement », ce week-end, en vue du congrès d’avril.

Une drôle de quête…qui a commencé par une sacrée gamelle: quelques jours avant de se déclarer, Carvounas a été victime d’une mauvaise chute en baladant son chien, Fox. « C’est vrai qu’il n’y a que des coups à prendre dans cette histoire.

SI L’EXPÉRIENCE DES MINORITÉS NE RÉSUME PAS SON PROJET, ELLE IRRIGUE SA VISION DU PS

Et alors ?» dit-il, lucide sur l’état du PS. Laminés lors des dernières élections, ruinés au point de devoir licencier du personnel et surtout en peine d’une ligne politique partagée, les socialistes sont au fond du gouffre. Faut-il être fou quand on a 46 ans pour tenter de remonter un parti pris en étau entre Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron? «Fou, non, mais passionné, oui», répond Luc Carvounas, rapportant cette confidence d’une Marseillaise croisée dans une résidence pour personnes âgées: «Je suis triste parce que je vais mourir, et le PS avec moi.» De sa mini-tournée automnale dans les tréfonds socialistes, le député est revenu marqué. Face à Macron, «il y a une soif de renaissance », assure-t-il. Carvounas s’en voit l’instrument avec sa « niaque » pour principal atout. Celle héritée d’un père grec originaire d’Izmir en Turquie, devenu électromécanicien chez Citroën pour nourrir une famille de quatre enfants. «A la maison, pour se laver, c’était à la casserole dans la baignoire, mais on était heureux, raconte le député qui se souvient de l’amour d’une mère partie trop tôt, alors qu’il n’avait que 13 ans. Carvounas sait d’où il vient. Le 10 mai 1981, son père a beau lâcher un furieux «On est dans la merde !» lorsque le visage de François Mitterrand apparaît à l’écran, Carvounas doit beaucoup au PS qu’il rejoint en 1995. De son siège de maire dAlfortville, haut lieu de l’« union de la gauche », en passant par ses mandats de sénateur puis de député binational. Et jusqu’à son mariage ! «S’il y a bien un truc que je dois à François Hollande, c’est d’être marié à l’homme de ma vie ! » lance-t-il. La photo de son union avec Stéphane Exposito est affichée en grand dans la cuisine. Un couple décomplexé qui accepte facilement de poser pour Match. Un premier secrétaire homosexuel, ça serait une première. «Ce qui pourrait être une difficulté chez d’autres ne l’est pas au PS, un parti moderne », assure Carvounas qui a vécu sa première nuit avec son compagnon dans un hôtel de La Rochelle (Charente-Maritime), en marge de l’université d’été des socialistes.

Pour aller plus loin : Déclaration de candidature à la direction du Parti Socialiste

Si l’expérience des minorités ne résume pas son projet, elle irrigue sa vision d’un PS «fier de ses valeurs ». «Mon moteur, c’est l’égalité, confie le député. L’idée que l’école puisse donner à chacun sa chance d’être chef d’entreprise, maire, etc. est la mienne.» Carvounas affiche ainsi la couleur.

Quand d’autres éventuels préten-dants, comme Najat Vallaud-Belkacem, demanderaient, eux, une rémunération pour diriger le PS.« Personne ne peut plus arriver en majesté », soupire-t-il. Ancien ministre de François Hollande ou pas.

La théorie de l’homme neuf et sans tabous, y compris le changement de nom du PS, a pourtant quelque chose de frelaté. Le ralliement de cet ancien porte-flingue de Manuel Valls à Benoît Hamon lors de la dernière campagne présidentielle alimente le procès en insincérité.

« Carvounas, c’est un virage à 180 degrés sur l’aile», ironise Philippe Doucet, l’ex-lieutenant de Valls. Inconnu du grand public, le député part de loin. D’où un lancement de campagne précoce et un programme chargé: un livre sous forme de lettres à des personnalités et une tournée dans les départements. Bref, à la mine dans la plus pure fidélité à son nom.

« Karvounas » en grec? « Charbon », rigole-t-il.

@erichacquemand

Source : Paris Match