Mercredi soir, à l’initiative du maire (PS) Luc Carvounas, des élus de diverses sensibilités ont participé à un rassemblement de soutien aux salariés du transporteur. La veille, une énième manifestation pour obtenir leur régularisation avait eu lieu devant la préfecture.

« Nous avons une responsabilité. C’est de ne pas laisser entrer dans l’automne et dans l’hiver les salariés Chronopost que vous êtes. » À la tribune, ce mercredi soir, le maire socialiste d’Alfortville, Luc Carvounas, a dans le dos un immense bâtiment gris et face à lui une audience attentive. Elle est faite de militants, d’habitants d’Alfortville mais aussi et surtout de travailleurs sans papiers. C’est d’eux dont il est question à l’occasion de ce rassemblement citoyen organisé à l’initiative de l’élu contre « l’esclavage moderne lié aux abus de la sous-traitance ».

Une soirée pas comme les autres, à en croire l’élu. « Ce soir, on dit que tout ça, c’est terminé », assure Luc Carvounas. Tout ça ? La grève, qui dure depuis décembre, la deuxième après neuf mois de mobilisation en 2019, déjà pour des travailleurs qui demandaient leur régularisation et l’ont pour certains obtenue. Mais aussi les tentes alignées devant le bâtiment, le campement de ces sans-papiers. Ou encore « l’omerta qui plane au sujet des abus de la sous-traitance », d’après Luc Carvounas, qui a « envoyé un courrier au ministre du Travail ». La veille, il s’est entretenu avec la préfète une nouvelle fois : « Ce soir, on vous démontre qu’on ne vous a pas oubliés et qu’on ne va pas vous lâcher. »

Alfortville, mercredi. A l’appel du maire PS d’Alfortville Luc Carvounas, un rassemblement citoyen a eu lieu devant le site Chronopost “contre l’esclavage moderne lié aux abus de la sous-traitance”.

«Patrons voyous»

Autour de lui, l’estrade se remplit : sont présents le maire PCF de Vitry, Pierre Bell-Lloch, les sénateurs PCF Laurence Cohen et Pascal Savoldelli et l’ancien président PCF du conseil départemental, Christian Favier. Mais aussi les députés Sophie Taillé-Polian (Génération.s), Mathilde Panot et Louis Boyard (LFI), Olivier Faure, également premier secrétaire du PS, Guillaume Gouffier Cha, député LREM annoncé, mais aussi Laurent Cathala, maire PS de Créteil et président du territoire Grand Paris Sud Est Avenir. « En menant cette lutte, vous défendez les valeurs de la République », lance-t-il au micro. L’évocation par Mathilde Panot du combat des femmes de chambre de l’hôtel Ibis fait vibrer l’assemblée.

Dans le public se trouve Aboubacar Dembelé, devenu le porte-parole du mouvement. Lui a traversé la Méditerranée sur un Zodiac pour arriver en France en 2018. « C’est important, ce que vous faites », lui lance Luc Carvounas, qui a également salué les syndicats qui, « matin, midi et soir », sont à leurs côtés. En opposition, dit-il, aux « patrons voyous ».

Alfortville, mercredi. A l’appel du maire PS d’Alfortville Luc Carvounas, un rassemblement citoyen a eu lieu devant le site Chronopost “contre l’esclavage moderne lié aux abus de la sous-traitance”.

«Des conditions proches de l’esclavage», selon les syndicats

Contacté, le groupe la Poste indique que cette manifestation relevant « de la question particulière de la régularisation des personnes sans papiers, Chronopost n’étant pas leur employeur, elle ne peut intervenir ». La Poste précise avoir fin mai mis un terme au contrat du prestataire « après avoir constaté des manquements quant à la rigueur dans ses procédures de recrutement » et « missionné une nouvelle société, Atalian Propreté, pour assurer l’activité de chargement et déchargement des colis sur le site d’Alfortville ». Une collaboration qui « se déroule dans de bonnes conditions et en totale conformité avec la réglementation du travail ».

L’Union Syndicale Solidaires 94 dénonce, elle, « des conditions proches de l’esclavage ». « Malgré nos demandes répétées, les portes de la préfecture de Créteil restent closes et nos demandes sans réponse », assure l’union qui a organisé ce mardi une nouvelle manifestation devant la préfecture.

Deux contrôles menés en avril

Sollicitée, celle-ci indique que « depuis le début du mouvement en décembre 2021, aucun dossier individuel » ne lui a été adressé, et que « les dossiers qui pourront être déposés directement doivent concerner des salariés ou ex-salariés de Chronopost (ou de ses sous-traitants) et qui sont domiciliés dans le Val-de-Marne ».

Au sujet des « accusations relatives au travail illégal, la préfète a saisi la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) pour vérifier le bien-fondé de ces accusations. Deux contrôles ont été menés en avril sur le site de Chronopost à Alfortville, visant deux sous-traitants sur les thématiques du recours abusif à l’intérim et du travail dissimulé. Les investigations sont en cours sur d’éventuelles irrégularités ».

Elle explique par ailleurs rester « très attentive aux enjeux de sécurité et de salubrité du campement », aux « risques sérieux d’incendie et d’intoxication du fait de la présence de braseros au milieu des abris de fortune et pour éviter la dégradation de la situation sanitaire du site ». « Si nous voulons rester visibles, nous n’avons pas le choix », confie un sans-papiers. Depuis quelques minutes, la pluie s’invite au rassemblement. L’automne est presque déjà là.