L’inflation qui touche la France depuis des mois rend la vie des personnes précaires encore plus difficile. Luc Carvounas, maire (PS) d’Alfortville (Val-de-Marne) et président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, revient sur l’action des CCAS en cette rentrée.

Malgré les lois estivales autour du pouvoir d’achat, l’inflation reste problématique en cette rentrée. Comment cela se passe dans les centres communaux et intercommunaux d’action sociale ?

La hausse des difficultés des usagers ne date pas de l’inflation. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, je ne connais pas un seul CCAS qui n’a pas augmenté ses aides, dans tous les domaines. La précarité touche de nouveaux publics et aussi de plus en plus de jeunes. Un tiers des 18-30 ans saute régulièrement un repas pour des raisons économiques, par exemple. Les situations de précarité se développent aussi chez les salariés, y compris pour certains de nos agents. Il faut mettre en place des outils avec nos partenaires – associations, conseils départementaux… – pour créer des synergies.

On a beaucoup débattu ces derniers jours sur l’augmentation des tarifs de la cantine, mais j’aurais aimé qu’on ait également des débats sur d’autres indicateurs. A Alfortville, nous n’avons pas augmenté le tarif de nos cantines, et dans le même temps le taux de non-recouvrement a bondi du fait des difficultés sociales de plus en plus importantes pour les familles fragiles. Elles ne priorisent plus le paiement de cette dépense, elles savent que la puissance publique n’empêchera pas les enfants de manger, sauf de rares cas pas représentatifs. Les difficultés de fonctionnement s’accumulent donc, et, à un moment, il y aura des choix à faire

Des choix ?

Les élus abonderont les budgets des CCAS, mais ce seront des choix à faire à budget global constant. Nos moyens n’augmentent pas, avec la suppression de la taxe d’habitation, pour Alfortville, c’est 500 000 euros en moins chaque année. Alors même que l’augmentation de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires, décidée par le gouvernement sans concertation, coûte 800 000 euros de plus, sur les 66 millions de budget de fonctionnement.

On commence donc déjà à lisser sur deux mandats les projets annoncés pendant la campagne. Il y a une nécessité de contosions de la part des élus pour bien faire les projets, sans augmenter les impôts ou coûts annexes (cantine, piscine, médiathèque…). Concernant le plan sobriété, il faudra des aides de l’État pour faire face. Pour ceux qui ne peuvent payer leurs factures énergétiques, il faut lutter – et c’est une obligation – contre les passoires thermiques. Les bailleurs sociaux se sont engagés, mais sans l’État, on n’y arrivera pas.

Et il faut que le gouvernement cesse de demander aux collectivités d’en faire toujours plus. J’ai entendu la Première ministre expliquer que c’était aux maires de faire respecter l’obligation d’éteindre les lumières dans les entreprises entre 1 et 6 heures. Mais comment je fais ? Je ne peux sans moyen recruter pour faire respecter cette obligation. Et les exemples sont nombreux. Nous sommes face à un gouvernement de techniciens, avec peu d’élus locaux, on en paie le prix…

Vous parlez du plan sobriété, comment les CCAS vont y participer ?

Tous les exécutifs locaux vont plancher sur leur plan sobriété. Les CCAS ne sont pas une priorité en terme d’impact, mais il faut qu’ils soient visibles de la population, qu’elle sache où trouver une aide si elle en a besoin. Pour le traditionnel « villages des associations » de la rentrée, j’ai demandé que le plan classique soit totalement revu et que les associations qui touchent les publics défavorisés et le CCAS soient installés dès l’entrée de la manifestation pour qu’elles soient plus visibles.

Plus globalement, je pense que le président de l’APVF, Christophe Bouillon, a porté le débat de la meilleure des manières. Une étude a montré que nos concitoyens attendent beaucoup d’abord de l’État, ensuite des collectivités et des entreprises, puis d’eux-mêmes. Or, comme Christophe Bouillon a dit qu’il allait expliquer aux habitants de sa commune que s’ils n’accompagnent pas l’action de la ville, l’impact se verra sur les impôts locaux. On demande toujours plus aux maires, mais cela va demander beaucoup de pédagogie pour emprunter le bon chemin. J’espère qu’on y verra plus clair quand l’État aura défini son programme global pour le plan sobriété.

C’est un des points au programme du Conseil national de la refondation. Y serez-vous ?

Nous n’avons pas été invités, mais je commence à avoir l’habitude. L’Unccas est une sorte d’organe que les ministères contactent pour aider à faire des notes sur les sujets sociaux, mais nous ne sommes jamais autour de la table avec les ministres. Or, nous sommes la deuxième plus ancienne association d’élus – créée en 1926 – après l’AMF… J’avais d’ailleurs préparé les choses, en envoyant un message à Olivier Véran, chargé d’organiser le CNR, au mois de juillet. L’Unccas avait fait acte de son intention d’être présente, et nous devions être recontactés. Mais nous n’avons finalement jamais reçu d’invitation.

Un autre thème qui pourrait être abordé, et qui fait partie des priorités du ministère des Solidarités, est l’autonomie. La loi longtemps attendue ne semble plus d’actualité. Qu’en pensez-vous ?

Sur le sujet de l’autonomie, il a fallu taper du poing sur la table pour que nos aides à domicile aient les mêmes augmentations que le secteur associatif. C’est une victoire pour nos salariés, nous avons obtenu gain de cause. Mais dire qu’il n’y a pas besoin de loi autonomie est faux ! Aujourd’hui, la cinquième branche de la Sécurité sociale a un financement de 35 milliards d’euros environ. Mais, en 2030, 21 % de la population française aura plus de 65 ans, c’est donc très insuffisant ! Il y a besoin d’un vaste plan d’anticipation des besoins, notamment sur le logement. Il faut faire de l’autonomie une grande cause nationale pour tout ce quinquennat. En son temps, Brigitte Bourguignon avait été nommée pour faire cette loi, et il n’y a eu qu’un saupoudrage de moyens dans le dernier PLFSS. C’est de bonne guerre en période électorale mais loin de répondre aux enjeux ! Maintenant, il faut donner les moyens à Jean-Christophe Combe [le ministre des Solidarités], sinon il ne pourra rien faire.

Source : La Gazette des Communes