Dans son enquête sur le profil des candidats investis par la République en marche (LREM), Luc Rouban relativise l’idée d’un renouvellement de la classe politique.

Quel est le portrait-robot d’un député LREM ?

Luc Rouban. C’est quelqu’un qui a fait des études supérieures, qui a travaillé dans le privé dans 6 cas sur 10, qui a été cadre dans une petite ou moyenne entreprise et qui, souvent, a créé sa propre TPE (très petite entreprise). Globalement, les candidats sont représentatifs d’une classe moyenne supérieure (90 % de CSP +). On est loin de la diversification sociale attendue. Et c’est quelqu’un qui, sans être forcément élu, a eu une activité politique.
Les candidats LREM ne sont donc pas novices en politique !
Effectivement. Seulement un tiers des candidats n’a eu aucune activité politique. Il y a une proportion importante d’anciens collaborateurs d’hommes politiques, de membres de l’entourage d’élus et de cadres dans des appareils. Certains ont même été membres de cabinets ministériels. Beaucoup ont été candidats aux municipales de 2014 ou aux départementales de 2015 sans avoir été élus. Ce sont des gens habitués à la vie politique.

Au final, une Assemblée de novices est-elle vraiment souhaitable ?

Il ne faut pas oublier qu’en politique, il faut savoir négocier, trouver des compromis, être sensibilisé au droit. La procédure législative est complexe, même pour un juriste ! Avec une Assemblée de novices, on fait passer les grandes lois d’en haut. En réalité, on ne peut pas échapper à la professionnalisation et à l’oligarchie.

Qu’est-ce qui explique cette surreprésentation des classes supérieures ?

Se déclarer candidat à une élection législative n’est pas aisé : il faut de l’argent pour financer la campagne. Et ceux qui ont vraiment besoin de leur emploi pour vivre ne peuvent pas tenter l’aventure et se retrouver le bec dans l’eau cinq ans après. Cela favorise mécaniquement les riches. C’est bien gentil de critiquer les partis traditionnels, mais ils permettaient à des gens d’origine modeste d’arriver à des fonctions politiques. C’est le rôle qu’a joué le PCF dans les années 1950 et 1960, en captant l’électorat contestataire et en s’appuyant sur une forte tradition ouvrière. Avec LREM, on se retrouve avec des notables.

Pour aller plus loin : Le renouvellement n’est pas la propriété d’En Marche !

Vous voulez dire que l’Assemblée de 2017 pourrait être moins représentative que celle de 2012?

Si LREM obtient une large majorité, au-delà de 400 sièges, on assistera à une régression en termes de diversité sociale. L’Assemblée sera plus élitiste. C’est un renouvellement, mais un renouvellement par le haut, l’émergence d’une nouvelle élite !

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au CEVIPOF depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.
Ses recherches portent principalement sur les transformations du secteur public en Europe et plus particulièrement sur les mutations de la fonction publique et la réforme de l’État. Ses travaux visent à développer des analyses théoriques des ordres institutionnels qui s’appuient sur des enquêtes empiriques concernant les relations entre administration et politique, le travail des fonctionnaires ou la sociologie des élites. Dans ce cadre sont mobilisés les outils de l’histoire, de la sociologie du travail comme de l’analyse électorale.
Ses recherches actuelles portent sur les transformations des élites administratives et politiques dans le cadre d’une rélexion sur l’évolution institutionnelle de la Ve République.
Il a reçu en 2013 le Best Non-US Article Award de la revue Labor History.