L’ancien fidèle de Manuel Valls est candidat à la tête du PS et veut être un pont entre socialistes sensibles aux idées de Macron et de Hamon.

Premier candidat à se déclarer, dès novembre, Luc Carvounas, député du Val-de-Marne, entend jouer le rassembleur entre l’aile gauche du PS et la majorité. Il expose à Libération ses priorités de premier secrétaire.

Après cinq ans de fracture et deux défaites historiques, les socialistes sont-ils réconciliables ?

Bien sûr ! Ceux qui disent le contraire n’ont pas d’ambition, ils veulent être maîtres d’un petit chez-eux. Moi, je n’ai pas peur de dire que je souhaite être le môle central du PS et que je peux parler à la fois à ceux des socialistes qui, à la présidentielle, ont été intéressés par les projets macroniste ou hamoniste. Si on me fait croire qu’on ne peut pas s’entendre sur des valeurs communes – l’Europe, l’écologie, la lutte contre les inégalités, la démocratie, qui seront les quatre piliers de mon mandat -, c’est que je n’ai rien compris au sens de l’histoire.

On peine à voir les différences entre vous et Stéphane Le Foll…

Je pense le contraire ! La principale différence, c’est la clarté de la ligne. Moi, j’ai voté contre le discours de politique générale du Premier ministre. J’ai gagné contre un candidat de La République en marche aux législatives, je me suis abstenu sur la loi terrorisme. Je suis dans l’opposition, point, sans chercher d’adjectif. Et je suis clair sur les alliances, une union de la gauche, rose, rouge et vert. Une gauche arc-en-ciel. Nous devons ramener à nous les syndicats, les organismes sociaux professionnels, les maisons de la culture, les associations.

Et avec Emmanuel Maurel ?

On verra vraiment les différences quand on lira nos textes d’orientation. Mais on pourrait dire que Le Foll incarne la continuité de ce qu’on ne veut plus et Maurel est prêt à rallier La France insoumise. Moi, j’avance dans la transparence, sans manœuvre d’appareil. Tous veulent changer le parti mais ils perpétuent les vieilles méthodes : on va en crever ! Moi, le fils de prolo à qui on n’a rien donné, j’ai eu cette école formidable du Parti socialiste pour avancer dans la vie. Et je vais laisser cette école exploser parce qu’une génération n’aura pas su s’entendre entre elle ? Je ne veux pas me résoudre à la défaite permanente que certains théorisent dans mon parti.

Vous pensez donc à la présidentielle ?

Je ne suis pas candidat à la tête du PS pour être candidat à l’Elysée. Il y a une chose qui me rendrait fier à l’avenir, c’est que plus tard, en ouvrant les livres d’histoire, on lise que ma génération a fait ce qu’il fallait pour sauver le Parti socialiste. Ce qui m’obsède, ce n’est pas de savoir qui est candidat mais est-ce que la gauche sera en capacité de revenir au pouvoir un jour. C’est de faire vivre le clivage droite-gauche. C’est l’union de la gauche. Le peuple de gauche ne veut pas la division. Je veux rassembler d’abord les socialistes, ensuite la gauche comme disait Mitterrand. Mais ce qui me rend différent des autres candidats, c’est que je ne pense pas forcément que le PS doit être central dans cette union même si j’espère qu’il sera important dans une future maison commune de la gauche. Nous, socialistes, sortons d’un cataclysme. Les Français viennent de nous dire, «circulez, on ne veut plus de vous»… Il faut y aller en toute humilité. J’entends certains dire : voilà comment il faudrait diriger le pays. Un peu de modestie ! Il faut d’abord faire fonctionner le parti.

Vous commencez par quoi ?

Je veux donner plus de pouvoir aux fédérations et créer différents niveaux de militantisme. Il y aurait le sympathisant qui adhère d’un simple clic, le militant de projet sur une thématique précise ou locale et le militant politique, celui qui paye une cotisation et participe pleinement à la vie du parti, aux prises de décisions, notamment par vote. D’ailleurs, nous devons passer au vote électronique. Cela pourrait nous éviter des tensions. On nous oppose que cela coûte trop cher, mais la démocratie interne vaut bien 200 000 euros. Par ailleurs, moi, premier secrétaire, je prélèverai une partie de l’argent issu de la vente du siège du PS, rue de Solférino, pour le reverser aux fédérations contraintes elles aussi de vendre leurs locaux. Entre l’important et l’urgent, je choisis l’urgent. Nos fédérations ne doivent pas mettre la clé sous la porte.

Vous êtes pour un régime parlementaire ou présidentiel au PS ?

Pour un régime collectif ! Je souhaite être un chef d’orchestre avec trois premiers secrétaires nationaux délégués chargés de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la jeunesse et des outre-mers. Mon calendrier d’action est établi. Après le vote interne au PS fin mars, nous devons nous relancer pour les municipales – une élection capitale pour nous – mais aussi les européennes. Il ne faut surtout pas les enjamber comme certains le prônent. Ce sera l’occasion de marquer nos différences avec Jean-Luc Mélenchon. Au niveau national comme européen, je veux des listes ouvertes à la société civile et couleur arc-en-ciel, avec les communistes, les proches de Hamon, les écolos.

Vous avez donc changé depuis votre rupture avec Manuel Valls…

J’ai connu un long compagnonnage avec Manuel Valls, en tant que député puis Premier ministre. Aujourd’hui, je suis libre et libéré. Ce que je retiens surtout de ce parcours, c’est ma loyauté. J’ai soutenu le gouvernement pendant tout le quinquennat puis le candidat de mon parti à la présidentielle.

Sur la laïcité, êtes-vous sur la ligne de votre ancien mentor ?

Tout le monde n’arrête pas de dire «la loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905». Sauf qu’on est en 2018 et que parce que j’ai été maire, je sais que cela nous oblige à faire des contorsions pas possibles pour financer des lieux de culte, en séparant culturel et cultuel. Je demande la création d’une Agence nationale de la laïcité, distribuant des fonds aux municipalités pour créer des lieux de culte. Elle aurait un pouvoir de contrôle de l’action des maires et pourrait sanctionner les manquements à la loi de 1905. On peut avoir tous les projets du monde, si le premier guichet républicain – le maire – déraille, c’est tout le collectif qui déraille.

Vous êtes le premier parlementaire français gay à vous être marié. Aujourd’hui, le gouvernement tergiverse sur la PMA pour toutes. Quelle est votre position ?

Je regrette que mon groupe à l’Assemblée ait abandonné l’idée de défendre son texte autorisant la PMA aux couples lesbiens lors de sa prochaine niche parlementaire le 18 janvier. Cela nous aurait permis de mettre la majorité au pied du mur. Mais avant de parler de PMA et de GPA, que les Français approuvent de plus en plus selon un récent sondage, je veux revoir l’intégralité des modalités d’adoption en France. Aujourd’hui, il y a 20 000 enfants dans les orphelinats. Mon objectif, c’est qu’il n’y en ait plus aucun.