Monsieur le Président de la République,

Dans une semaine débuterons les commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, occasion pour la France de rappeler le rang qui est le sien au vu de l’Histoire, mais aussi du rôle qu’elle est appelée à jouer en Europe et dans le monde.

Votre décision de « démilitariser » l’événement a été beaucoup discutée, considérant les combattants de ce conflit comme des « civils armés ». Ce conflit n’a en effet plus seulement sa place dans l’Histoire militaire, mais bien dans l’Histoire tout court tant sa singularité et sa brutalité nous marquent encore. Alors qu’il y a dix ans s’éteignait le « dernier Poilu », cette souffrance fait toujours partie de nous, de notre identité.
Regarder l’Histoire en face, l’analyser et la comprendre sans se cantonner à l’apprentissage d’un « récit » est primordial. Non seulement pour honorer les mémoires des hommes tombés au champ d’honneur ou de ceux qui rentrèrent sans n’être plus jamais eux-mêmes, mais aussi pour ne pas répéter les erreurs que nos prédécesseurs ont commises.

Voilà donc, Monsieur le Président, le sens des célébrations nationales de l’Armistice du 11 novembre.
A votre invitation, soixante Chefs d’Etat et de Gouvernement devraient participer aux célébrations du centenaire. Mais la liste exacte reste floue, et nos concitoyens s’interrogent sur la présence de votre homologue turc, Recep Tayyip 31.
Le Président Turc est un personnage pour le moins sulfureux : son attitude face à l’Etat de droit et la Liberté de la presse, son comportement ambivalent vis-àvis de l’Etat islamique, sa bienveillance à l’égard de l’intolérance religieuse et des violences faites aux femmes, qualifiées de « simples gestatrices », sont autant de motifs de crispation de la part de nos concitoyens.

La symbolique historique de la présence de M. Erdogan serait donc des plus terribles. En effet, voilà 105 ans, l’Empire Ottoman ôtait la vie à 1,5 millions d’Arméniens. Georges Clémenceau parlait alors du « massacre méthodique des Arméniens », et l’Histoire a retenu la qualification de « génocide ».
Or, le Président Turc, comme ses prédécesseurs, s’évertue à le nier catégoriquement.
La France a été le premier pays d’accueil des Arméniens survivants et apatrides. Ils sont aujourd’hui nos concitoyens, et nous sommes fiers de nous tenir à leurs côtés, comme ils l’ont fait lors des appels aux armes des deux Guerres mondiales.
Il semble donc malvenu lors de ces célébrations mémorielles et historiques d’une telle importance de dérouler le tapis rouge à un promoteur si assidu du négationnisme d’Etat.

Aussi je vous demande, Monsieur le Président, par apaisement et par respect des mémoires, de ne pas inviter le Président de la République de Turquie ou ses représentants pour le centenaire de l’Armistice de 1918.
Je vous prie, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir agréer l’expression de ma plus haute considération.