Construire la « décennie française » en étant libres et libéré.e.s

Nous ne sommes pas les gardiens du vieux Parti d’un vieux pays qui n’aurait plus rien à offrir à celles et ceux qui veulent construire une société plus juste. Nous sommes les fantassins d’un Parti qui peut faire des dix prochaines années « la décennie française » ; nous sommes des militant.e.s libres et libéré.e .s.

Parce que les Français entretiennent depuis toujours un rapport singulier à la Culture, à l’économie et à leur modèle social ; parce qu’ils ont pris la mesure de l’urgence climatique ; parce qu’ils n’opposent pas, la liberté et l’égalité, ils détiennent les clés qui leur permettront de continuer à faire rayonner le modèle de production et de redistribution des richesses de la France dans le monde.

Parce que le monde est d’abord le fruit de la volonté de celles et ceux qui veulent vraiment le transformer, nous, Socialistes, devons repartir en première ligne, déterminés à reprendre notre place sur le champ de bataille pour faire du progrès la chose au monde la mieux partagée.

Chacun de nous peut prendre sa part à cette quête. La France a le potentiel pour réussir cette décennie.

Le monde n’est ni nouveau, ni ancien ; il est le monde. Il n’emprunte jamais le chemin de la justice ou de l’égalité de son propre chef. Depuis un siècle, les Socialistes qu’ils soient élus ou militant.e.s défendent les notions de Justice sociale, de Redistribution, de Droit du travail et de Dignité.

A force de détermination nous avons placé l’Education, la Démocratie et l’Écologie au cœur des aspirations des Français.

Nous avons rendu la France meilleure, et parce que le Socialisme est un internationalisme, nous avons rendu le monde meilleur. Nous n’avons pas réussi partout. Mais nous n’avons pas échoué sur tout.

Depuis 1981, les Français nous ont confié à quatre reprises le Gouvernement de notre pays. A chaque fois, nous avons transformé la France en affrontant les conservatismes et en nous confrontant au libéralisme économique le plus sauvage. L’abolition de la peine de mort, la 5ème semaine de congés payés, les 35 heures, l’impôt de solidarité sur la fortune, le RMI devenu RSA, la prime pour l’emploi devenue la prime d’activité, la CMU, le prix unique du livre garanti, le mariage pour tous ne sont pas l’héritage des seuls Socialistes.

A force de persévérance, ils sont entrés dans le patrimoine de chaque Français. Nous avons transformé la France en gagnant la seule bataille qui compte : celle des idées.

C’est ce chemin qu’il nous faut retrouver pour fonder la « décennie française ».

 

Fonder la « décennie française » sur 4 piliers

Ce projet de « la décennie française » doit reposer sur 4 piliers fondamentaux :

– La lutte contre les inégalités et leur reproduction.

– L’urgence écologique.

– La défense d’un idéal social et politique pour l’Europe.

– L’émergence de nouveaux comportements et règles démocratiques, avec et au bénéfice des citoyens.

 

Rappeler la persistance du clivage Gauche/Droite

 

Mai 2017 n’a jamais signifié la fin du clivage Gauche/Droite, mais la victoire d’une nouvelle Droite sur une Gauche divisée. Accepter la fin du clivage Gauche/Droite comme s’il s’agissait d’une vérité indépassable reviendrait à accepter que le seul choix des Français soit désormais réduit à jouer l’élite contre le peuple, les extrêmes contre les centres.

 

Dépasser la notion de « Gauche de gouvernement »

De plus, à chaque fois que nous avons gouverné, nos partenaires, nos militant.e.s, et nos électeurs nous ont interrogés sur notre capacité à exercer le pouvoir sans nous renier.

A chaque fois, c’est la notion de « Gauche de gouvernement », trop complaisante avec le libéralisme pour les uns, pas assez réformatrice pour les autres, qui a été mise en cause.

Notre prochain congrès devra rompre avec près de 40 ans d’un concept devenu obsolète : celui de parti de gouvernement. La social-démocratie s’est trop longtemps confondue avec la notion de parti de gouvernement. Nous devons la réinventer pour lui donner un nouveau souffle écologique, européen et démocratique.

Pour cela nous devons convenir que le rôle d’un parti politique n’est pas de gouverner, mais de construire une prospective stratégique pour soutenir les politiques locales et nationales conçues et mises en œuvre par ses élus.

Pour cela, il faut que nous soyons libres et libéré·e·s.

Nous avons le double devoir d’inventaire et d’inventer.

Nous devons procéder à l’inventaire du précédent quinquennat, et nous serons prêts à le mener ; il devra résulter d’un débat sans concession, qui se déroulera dans la sérénité. Mais d’ores et déjà, nous connaissons les mesures qui ont profondément troublé les Socialistes : c’était le CICE mal ciblé, qui donnait l’impression d’un laisser-faire trop grand vis-à-vis des entreprises du CAC 40 sans obtenir les créations d’emplois annoncées ; c’est la Loi Travail, qui a pris par surprise les Français et la Gauche et qui a été vécue comme un recul social majeur ; et c’est la déchéance de nationalité, qui bien que non adoptée, a pu choquer les socialistes aux vues de leurs valeurs fondamentales.

De plus, les Français attendent de notre part une explication sur notre incapacité, au cours des vingt dernières années à améliorer leur pouvoir d’achat, à gagner la bataille de l’emploi, à fixer les règles d’une fiscalité plus juste, ou encore à construire une Europe politique et sociale.

Ils n’ont renoncé à rien de tout cela : nous ne renoncerons pas non plus.  

A présent que nous sommes dans l’opposition, les Français attendent de nous que nous sachions nous opposer lorsque leurs droits, leurs acquis sociaux ou leur pouvoir d’achat sont en danger.

Nous sommes convaincus que la démocratie ne peut pas résulter du combat pour l’extension des seuls droits individuels. La construction de notre Nation et de son vivre-ensemble repose aussi sur la défense de droits collectifs qui permettent aux Français de se réaliser et de se défendre.

 

Ouvrir un nouveau cycle

Au lendemain de notre défaite de 2002, nous étions dans un état de sidération proche de celui dans lequel nous a plongés la défaite de 2017. Nous aurions pu alors renouer avec l’esprit de transformation propre à l’idéal socialiste ; au lieu de cela, nous avons choisi une voie différente. Au nom d’un certain « esprit de responsabilité », parce que nous avions exercé le pouvoir, nous avons choisi d’ignorer nos erreurs. Aujourd’hui notre responsabilité est au contraire d’ouvrir grands nos yeux pour ne jamais plus céder à la paresse intellectuelle, au confort et à la lâcheté.

Depuis 15 ans nous n’avons pas cessé de nous éloigner des classes populaires, des classes moyennes et des fonctionnaires. Mais que peut devenir un parti sans assise électorale ?

Nous n’avons pas le droit de reproduire cette erreur. Notre présence dans l’opposition est l’opportunité pour que notre congrès soit celui de la clarification. Le congrès d’Aubervilliers ne doit pas être le congrès de Dijon.

En 2012, nous avons gagné parce que nous avions fait aux Français une promesse de transformation profonde et parce que nous représentions naturellement l’alternance.

Nous devons ouvrir avec lucidité  et franchise, le bilan du quinquennat : l’écart entre les promesses d’un changement pour maintenant et la politique que nous avons menée n’a pas échappé aux Français.

Les Français n’ont pas eu le sentiment que 5 années de gouvernement de gauche aient eu un impact positif significatif sur leur vie.

Nous devons tirer les leçons de cet échec.

 

Choisir la Gauche Arc-en-ciel : un choix politique clair

Nous avons besoin d’une Gauche unie, d’une Gauche Arc-en-Ciel qui inclut l’ensemble des forces progressistes, écologistes et républicaines dans une approche ouverte. Elle devra sous peine de disparition s’ouvrir largement à de nouveaux visages, aux syndicats, aux associations et à la société civile.

De surcroît, elle devra adopter un pacte fondateur en vue des prochaines élections européennes et municipales.

Pour le premier rendez-vous européen en 2019, nous devrons établir des alliances claires avec nos partenaires de Gauche qui s’affirment pro-européens et souhaitent profondément réorienter l’UE ; en revanche, nous refuserons de nous allier avec une tendance populiste de Gauche qui tiendrait des discours sur l’Europe auxquels aucun Socialiste ne peut souscrire. Changer l’Europe avec nos partenaires, oui ; agiter la menace de la quitter, non. La politique, ce sont des rapports de force, pas du chantage.

Pour François MITTERRAND, le Socialisme n’a jamais été une doctrine figée, mais « une méthode vivante ». Dès le lendemain de notre Congrès, nous devrons renouer avec la méthode qui nous a permis si souvent d’avoir le soutien des Français. Nous devrons pouvoir proposer sur tout le territoire des conférences de consensus réunissant les Français, les experts, les militants, les syndicats, sur tous les sujets qui feront l’avenir de la France (Emploi, pouvoir d’achat, mutations du travail, Énergie, Démocratie…)

 

Bâtir le Progrès partagé

Notre horizon doit donc être celui du Progrès partagé au service de tous : longtemps nous avons associé les progrès humain et technique, mais les Français ressentent aujourd’hui une forte inquiétude. Il ne dépend pourtant que de nous que le progrès soit la chose du monde la mieux partagée, dès lors que nous déciderons démocratiquement à l’échelle mondiale, européenne et française de l’usage et de la valeur que nous voulons conférer aux biens communs.

 

Trois urgences : éducative, écologique et démocratique

 

L’urgence éducative

Le premier de ces biens est l’éducation que nous devons à nos enfants. Les inégalités débutent à la naissance. Dans une étude publiée le 15 juin 2017 par l’Unicef, la France ne se classait qu’au 19ème rang des pays de l’Union Européenne et de l’OCDE sur le bien-être des enfants.

Malgré les transferts sociaux, un enfant sur dix vit encore en France sous le seuil de pauvreté et présente de ce fait de véritables carences de santé et des retards scolaires. A 4 ans, un enfant de famille défavorisée aura entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant de famille aisée faute d’accès aux crèches notamment en milieu rural et en banlieue.

Ces inégalités se poursuivent dans le secondaire et dans l’enseignement supérieur où un étudiant sur dix seulement inscrit en enseignement supérieur appartient à une famille d’ouvriers alors que ces derniers représentent 30% des 18-23 ans.

La création dans le précédent quinquennat des classes de toute petite section est une avancée et nous avons tenu notre promesse de créer 60 000 postes d’enseignants. Pour la première fois, l’an dernier, les académies les plus exposées n’étaient pas en déficit de postes.

Mais cela ne suffira pas. Nous avons du mal à recruter des enseignants et pour cause. Les enseignants français en début et milieu de carrière font partie des moins bien payés des pays de l’OCDE.

L’école doit rester ce haut lieu où l’esprit critique et l’art de la raison sont transmis tout au long de la scolarité. Mais elle doit se recentrer sur sa mission d’enseignement et rémunérer décemment ses enseignants.

Mais elle doit aussi faire partager les valeurs et les clefs de la compréhension de la République.

Nous ne devons pas nous résoudre au discours mercantiliste qui renvoie les pauvres à une éducation low-cost et réserve aux riches les parcours d’excellence.

 

L’urgence démocratique

Le deuxième de ces biens, la démocratie connaît une crise profonde de la représentativité ; avec seulement 74% de participation au second tour à la dernière élection présidentielle et 42% au second tour des élections législatives, l’abstention a atteint en 2017 ses pires scores depuis 1969 (présidentielle) et 1958 (législatives).

Dans ce contexte, le Président de la République a décidé d’entamer une présidence arrogante et peu respectueuse des contre-pouvoirs.

En l’espace de quelques mois seulement, il aura réduit au silence sa majorité pour déconstruire notre droit du travail, sanctuariser l’état d’urgence dans notre droit commun, retirer aux collectivités locales leur autonomie fiscale et tenter d’encadrer le droit d’expression de la presse française.

Pire, le Gouvernement soumet les personnels associatifs, les travailleurs sociaux, les fonctionnaires et les personnels médicaux à une obligation de fichage et de délation des migrants en situation irrégulière jamais vue jusqu’à présent.

Lorsqu’il penche vers l’autorité, le pouvoir prend toujours le risque de tomber dans l’autoritarisme.

Et pourtant, nous n’avons jamais été si proches de la possibilité de réaliser l’avènement d’une démocratie directe grâce aux nouvelles technologies.

Nos représentants n’en n’ont pas encore suffisamment pris conscience. Si nous n’exprimons pas une volonté politique forte de rendre la démocratie plus directe, le risque est grand de voir les Français délaisser toujours plus la démocratie pour s’orienter vers les extrêmes.

Nous devons permettre à nos concitoyens de revendiquer à juste titre que leur voix soit mieux entendue, si nous voulons faire des dix prochaines années celles de « la décennie française ».

La tentation du Gouvernement de vouloir légiférer sur les fake news traduit une défiance vis-à-vis des journalistes, et une certaine complaisance vis-à-vis des GAFA qui ne font toujours pas l’objet d’un encadrement strict de leurs responsabilités.

 

L’urgence écologique

Le troisième de ces biens est notre planète. En portant à près de 2 milliards d’euros par an le crédit de transition énergétique et en nous fixant un objectif contraignant mais réaliste de sortie du nucléaire lors du précédent quinquennat, nous avons posé les fondations d’une véritable révolution.

A l’heure où tout l’écosystème de notre planète approche de son point de rupture, nous devons prendre conscience que nous n’avons pas de planète de rechange.  

Chacun de nous peut devenir un « colibri » prêt « à prendre sa part dans le sauvetage de notre planète ». Et nos territoires doivent être aux avant-postes. L’enseignement principal du « One Planet Summit » qui s’est tenu le 12 décembre dernier à Paris tient d’abord au fait que lorsqu’un Etat est défaillant, ce sont nos villes, nos métropoles, nos régions qui peuvent prendre le relai. L’Etat aidé des régions et des métropoles doit imposer aux constructeurs automobiles et aux pétroliers une planification de leurs investissements pour aboutir au 100% renouvelable avant 2040.

Ces défis, il revient aux Socialistes de les relever pour que plus jamais ne s’interrompe le dialogue entre nous et les Français.

 

Télécharger la contribution en intégralité