Lorsque j’ai déclaré ma candidature à la direction du Parti Socialiste, le 30 novembre dernier, j’ai annoncé que nous ne pourrions pas nous exonérer d’un devoir d’inventaire.
Personnellement, j’ai initié ce travail il y’a plus de deux ans, et c’est d’ailleurs en partie grâce à lui que je suis candidat à la fonction de Premier Secrétaire devant les militant.e.s.
Aujourd’hui, je suis questionné par certains d’entre nous sur ma position sur la déchéance de nationalité lors des évènements de Novembre 2015.
Je voudrais dire que ce questionnement est très légitime, et qu’il est naturel d’y répondre.
Je veux rappeler que neuf mois après les attentats de janvier, la France était à nouveau attaquée dans ce qu’elle compte de plus cher : sa jeunesse, son vivre-ensemble, son universalisme.
Certains auteurs de cette barbarie courraient toujours, la France venait d’être placée sous état d’urgence, les républicains de tout bord ressentaient pour la première fois depuis des décennies le risque d’une fracturation irréversible de notre Nation et l’image de concorde de 4 millions de français venus dire leur haine de l’intolérance et leur amour de la République s’éloignait dangereusement.
C’est dans cette ambiance que devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, le Président de la République exprimait sa volonté d’inscrire dans notre Constitution la déchéance de nationalité pour les Français binationaux auteurs d’actes terroristes.
Avec d’autres parlementaires de la majorité, j’ai signé, dans l’incroyable ambiance émotionnelle décrite auparavant, une tribune pour soutenir l’engagement pris par le Président de la République devant le Congrès en souhaitant, alors que certains voulaient la réserver aux seuls bi-nationaux nés à l’étranger, que cette mesure exceptionnelle s’applique sans condition de naissance. A titre personnel, j’ai immédiatement souhaité que l’on emprunte la seule voie démocratique, celle du référendum.
Mon unique obsession était de conforter l’exécutif, de faire corps et faire front, et je pensais sincèrement que cette idée pouvait de manière consensuelle exprimer notre attachement à l’unité de la Nation.
Ce fut une erreur. Ce fut une faute politique.
Cette mesure a ranimé au sein de no tre famille politique des blessures douloureuses dont je n’avais pas mesuré la portée.
Nous avions tous le même but, défendre la conception française de la Nation : « la Nation c’est aussi un principe spirituel : c’est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis » et nous nous affrontions, en désaccord complet sur la façon de la mettre en œuvre.
Au nom d’une même conception de la Nation, la Gauche se déchirait.
Et quelques semaines plus tard, vaincu par le jeu politicien de l’Opposition, le Président de la République renonçait à toute révision.
J’ai immédiatement mesuré les conséquences désastreuses de cette initiative. Comme Maire d’Alfortville, je rencontrais tous les jours des habitants qui se sentaient blessés par le principe même de son inscription dans notre droit.
Alors que je les pensais solidaires d’une mesure destinée aux ennemis de la République, certains de mes compatriotes ressentaient une blessure intime.
J’ai compris que quelque chose en nous s’était abîmé durablement.
Cela a renforcé ma conviction que dans l’espace politique tout est en dialogue permanent.
J’ai juré qu’on ne m’y reprendrait plus.
Depuis, j’ai décidé de ne plus contingenter mes idées à quelque raison politique ; soit une idée répond à mes convictions et aux valeurs de la Gauche et elle est bonne, le cas contraire elle ne l’est pas, et rien, aucune raison d’état ne justifiera plus jamais quoi que ce soit.
C’est ce que j’ai fait en Conseil national en juin 2016 pour dire qu’il n’existait pas dans notre Histoire de Gauches irréconciliables ; ou encore lorsque Manuel VALLS a soutenu Jean-Pierre CHEVENEMENT quand ce dernier incitait les musulmans à être « discrets ».
Début 2017, je me suis engagé derrière le candidat du PS, Benoit HAMON, avec loyauté car il était le vainqueur de notre Primaire. En mars 2017, je demandais à Manuel VALLS, dans une interview au journal LeMonde, de « mouiller la chemise » pour notre candidat.
Je suis Socialiste. J’ai été élu dans ma circonscription face à La République En Marche en rassemblant toute la Gauche derrière moi. Tout le monde souhaite qu’elle réapprenne à faire dialoguer toutes ses composantes ; c’est ce que je m’emploie à faire dans ma ville, dans mon département depuis 25 ans.
Nos partenaires PCF, EELV, PRG…le savent. Interrogez-les ! Je suis fier d’avoir été lors des dernières élections sénatoriales le seul département à faire l’union de toute la Gauche.
Rose-Rouge-Vert pour une Gauche Arc-en-ciel, tel est mon socle.
Grâce à ce cheminement, cette liberté durement acquise, est désormais ma force.
A l’Assemblée nationale, j’ai mis cette nouvelle liberté en œuvre. J’ai assumé des choses que d’autres près de nous n’ont pas assumé. J’ai refusé d’accorder ma confiance au Gouvernement d’Édouard Philippe en votant contre. Il ne respecte ni les convictions ni la liberté des parlementaires. Je n’ai pas voté la loi de sécurité intérieure qui ne respecte pas ma conception des libertés individuelles, ni mon combat pour la lutte contre les discriminations. Je me suis opposé à un budget qui creusera toujours plus les inégalités.
Cet évènement me guide dans chacun de mes votes à l’Assemblée Nationale.
Depuis le commencement de cette campagne ce sont ces enseignements qui me guident dans mon rapport aux militant.e.s. Ils ne me quitteront pas.
Je ne demande rien. Je veux juste dire ma vérité.

 

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